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Enquête

ALLEMAGNE ET ALSACE-MOSELLE : LA LOI, UN REMPART CONTRE LE TRAVAIL DU DIMANCHE

Enquête | publié le : 21.02.2012 | MARION LEO, CHRISTIAN ROBISCHON

Allemagne : l’éternelle pomme de discorde

Pour les fédérations patronales allemandes du commerce, l’interdiction d’ouvrir les magasins le dimanche constitue un « anachronisme ». Pour les syndicats, il s’agit, au contraire, d’un bien précieux protégeant les salariés. Depuis des années, le principe du repos dominical fait l’objet, à intervalles réguliers, de controverses outre-Rhin.

La dernière grande querelle en date remonte à décembre 2009 et s’est soldée par un échec pour les employeurs. Saisie en dernière instance par les syndicats et les églises, la Cour constitutionnelle de Kalrsruhe a estimé, le 1er décembre 2009, que la loi berlinoise (depuis 2006, la législation sur l’ouverture des magasins relève de la compétence des Länder) portait atteinte à la Loi fondamentale.

La loi berlinoise, l’une des plus libérales d’Allemagne, autorisait en effet les commerces à ouvrir 10 dimanches par an, soit les 4 dimanches de l’Avent, 4 dimanches pour des raisons relevant de « l’intérêt général » et 2 dimanches pour des « motifs particuliers ». Jugeant cette loi « illégale », la Cour de Karlsruhe a rappelé que les dimanches et les jours fériés devaient être protégés pour des raisons religieuses, mais également pour permettre aux salariés de participer à la vie sociale. Et de sermonner : la seule recherche du profit des commerçants ne peut justifier l’ouverture des magasins 4 dimanches d’affilée. Le repos dominical ne peut être remis en cause que sur la base de « motifs dûment justifiés ».

À l’époque, ce verdict avait été vécu comme un triomphe par les syndicats et les églises. Mais dans la pratique, peu de choses ont changé depuis à Berlin. Car, comme le souligne la fédération patronale du commerce de détail de Berlin-Brandebourg (HBB), la Cour a certes jugé illégale l’ouverture des magasins pendant 4 dimanches consécutifs, mais non l’ouverture dominicale en elle-même. Pour 2012, le Sénat de Berlin a déjà donné son feu vert à l’ouverture des commerces le dimanche à 8 reprises… « Nous avons toujours fait preuve d’imagination pour trouver des motifs dûment justifiés… », sourit un porte-parole de la fédération patronale.

L’Alsace-Moselle résiste au travail dominical

Son article 3 le stipule noir sur blanc : la loi Maillé ne s’applique pas à l’Alsace-Moselle. Un bout de France demeure donc imperméable à l’assouplissement du travail du dimanche, pour ne pas bousculer l’application du « droit local », cet ensemble de dispositions législatives hérité de l’annexion allemande du territoire entre 1870 et 1914. Le dimanche avait été instauré explicitement comme jour de repos pour permettre aux travailleurs d’assister aux offices religieux.

Assorti de dérogations – par exemple les 4 dimanches avant Noël –, le principe d’interdiction a été confirmé l’été dernier par le Conseil constitutionnel dans sa réponse à une question prioritaire de constitutionnalité posée par un supermarché qui invoquait la rupture du principe d’égalité et l’atteinte à la liberté d’entreprendre.

Car les cas de conflits demeurent. Ils émanent d’enseignes implantées partout en France qui font valoir une ignorance, feinte ou réelle, de la spécificité locale. Le plus récurrent concerne le hard-discounter Vet’Affaires : ses magasins alsaciens sont ouverts 365 jours par an. En pointe du combat pour la préservation du repos dominical, la CFTC a obtenu la condamnation de l’enseigne en correctionnelle il y a quelques années, mais le jugement a été cassé en appel « pour une raison de forme », assure le syndicat.

Vet’Affaires, qui n’a pas souhaité faire de commentaires, continue d’ouvrir en continu, accumule les procès-verbaux, mais sans effet. De la même manière, « la loi Maillé diffuse parmi les employeurs la tentation de contourner le droit local, dans un esprit “j’essaie le coup” », analyse Alain Kauffmann, responsable haut-rhinois de la CFTC.

Auteur

  • MARION LEO, CHRISTIAN ROBISCHON