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Un sursis pour les derniers “irréductibles”

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 07.02.2012 | LAURENT POILLOT

Le magasin de pièces détachées du groupe automobile vient d’être fermé, deux ans après l’annonce de cette disparition. Il reste plus de 30 personnes en attente d’une solution d’emploi. Sans compter les anciens de l’usine, revenus pointer à Pôle emploi.

L’équipe de déménageurs venus de Pologne pour démonter le site PSA de Melun-Sénart (77) a terminé sa mission. Au 31 janvier, l’usine de pièces détachées est la première du groupe en France à être fermée. Son sort avait été scellé par un CCE réuni le 20 avril 2010, au cours duquel la direction avait annoncé son intention d’orienter tout son schéma logistique sur le centre de Vesoul (70), d’où partent les pièces détachées pour les marchés français et international. Melun, qui avait servi de plate-forme pour les 2 marques Peugeot et Citroën sous le mandat de Jean-Martin Folz, jusqu’en 2006, n’était alors plus présenté autrement que comme un “magasin relais”, avec 398 salariés inscrits à l’effectif à l’annonce de la fermeture. Trois ans auparavant, près de 900 personnes y travaillaient, intérimaires compris, se souviennent les derniers ouvriers en attente d’une solution de reclassement.

Réfractaires au départ

Fin janvier, ils étaient 46 dans ce cas, selon la CFDT et la CGT. Parmi eux, 11 salariés ont été mis à disposition d’autres établissements du groupe automobile, sur des missions de courte durée, tandis que 35 autres étaient sans activité. Des « réfractaires au départ », des « irréductibles », comme se décrivent plusieurs d’entre eux, dont le salaire est maintenu en contrepartie d’une recherche d’emploi ou de l’élaboration d’un projet de reconversion, avec l’appui du cabinet Altedia. Il ne reste plus que 3 cadres, dont le DRH, qui n’a pas souhaité répondre aux questions d’Entreprise & Carrières.

Echéance : 31 mars 2012

La cellule de reclassement a quitté l’usine quasi désaffectée pour s’installer à 10 kilomètres de là, dans un bâtiment proche de la gare de Moissy-Cramayel, qui héberge la Maison de l’emploi et une pépinière d’entreprises. Elle dispose de deux mois pour accompagner les derniers départs. La direction du groupe a fixé cette échéance au 31 mars 2012, après avoir d’abord envisagé de conclure les derniers départs à la Saint-Sylvestre. Cette option était encore au program­me du CCE du 15 novembre. « La direction avait annoncé qu’elle enverrait les lettres de licenciement, tout en gardant ouvertes les possibilités de reclassement », précise Bruno Le Merle, délégué CGT.

Mais ce jour-là, devant le siège, près de 500 salariés venus des sites d’Aulnay (93), de Poissy (78), de Saint-Ouen (93) et de Vesoul (70) attirent l’attention des caméras et des radios. Leur manifestation, hostile au plan de 5 000 suppressions d’emplois – directs et indirects – dans la branche automobile, contraint la direction à renoncer officiellement aux licenciements à Melun. Fin novembre, il est ainsi décidé d’ajourner le PSE et de prolonger de trois mois la période des reclassements et départs volontaires, dans les conditions prévues par le plan de redéploiement des emplois et des compétences (Prec) du groupe. Beaucoup a déjà été fait.

Un porte-parole de la direction retient que, « depuis la fin avril 2010, nous avons engagé 12 300 heures de formation pour accompagner les reclassements ». Côté mobilité interne, 170 salariés ont été réaffectés dans plusieurs établissements, principalement à Saint-Ouen, Vesoul et Poissy, reconnaissent la CGT et la CFDT. D’autres ont rejoint le centre d’études de Vélizy, le site de Mulhouse ainsi que quelques succursales, empochant des primes de 11 000 à 40 000 euros, suivant les contraintes de déménagement et le nombre d’enfants à charge. « Poissy pouvait tout absorber, commente Patrick Patault, délégué CGT. Mais tout le monde a construit sa vie en Seine-et-Marne. Beaucoup se sont endettés pour acheter leur logement. »

Près de 180 personnes ont ainsi préféré un reclassement externe, afin de rester dans leur bassin d’emploi. « Certains ont accepté une grosse perte de salaire, de 20 % jusqu’à 40 % de ce qu’ils gagnaient à l’usine, poursuit le syndicaliste. Mais le plus souvent, les gens ont privilégié la prime de départ de huit mois de salaire brut, en échange d’une lettre d’intention d’embauche, même d’une agence d’intérim. Cette prime était majorée de 4 000 euros en cas de projet personnel, plus 4 000 euros avec un Kbis ouvert dans les six mois. Dans les faits, beaucoup sont partis sur de faux projets, en sachant qu’ils pourraient toucher leurs indemnités de chômage, passé un délai de carence de 75 jours. Ce qui a eu pour effet de vider l’usine, mais aussi d’en renvoyer une grande partie à Pôle emploi, aux frais de la solidarité nationale. »

Vingt-deux ans d’ancienneté

Benoît Chotard, délégué CFDT, fait le même reproche : « La direction s’est surtout contentée de viser les documents de départ. Il suffit de fréquenter les centres commerciaux pour voir ce que sont devenus les anciens de Melun. » À ses côtés, Irène Milan, une ouvrière proche de la retraite, s’entête à consulter des offres d’emploi, même sans y croire : « Je ne veux pas partir dans les conditions qu’on me propose, à savoir de prendre ma prime contre une promesse d’embauche, même fictive. Après vingt-deux ans d’ancienneté, je mérite mieux que cela. »

De son côté, la direction de PSA ne compte plus que 30 dossiers « sur le point d’aboutir », avec l’espoir de ne prononcer aucun licenciement économique. L’élu CGT est amer : « Un PSE ne nécessiterait plus que de passer par une convocation du CE. Ses marges de négociation seront sans doute réduites, vu le projet initial qui nous avait été présenté. »

DATES CLÉS

20 avril 2010 Annonce en CCE de la fermeture de l’usine de Melun-Sénart (398 salariés) programmée au 31 décembre 2011.

15 novembre 2011 La direction avertit les délégués du personnel que les salariés non reclassés seront licenciés.

29 novembre 2011 Le PSE est ajourné. L’échéance du plan de départs volontaires est repoussée au 31 mars 2012.

31 janvier 2012 Fermeture du site. Une équipe interne, restreinte, finalise le déménagement.

Auteur

  • LAURENT POILLOT