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QUÉBECLA SOUS-TRAITANCE PASSE MAL À RIO TINTO ALCAN

Pratiques | International | publié le : 07.02.2012 | LUDOVIC HIRTZMANN

Lock-out contre piquets de grève. Dans l’usine québécoise de Rio Tinto Alcan (RTA) à Alma, le bras de fer porte sur l’activité réalisée en sous-traitance.

Le 1er janvier 2012, en guise de vœux, la direction de Rio Tinto Alcan (RTA) a mis en lock-out les 780 employés de son usine d’Alma au Québec. Depuis début octobre, les négociations en vue du renouvellement de la convention collective, qui venait à échéance le 31 décembre 2011, s’enlisaient. Les deux parties ne sont pas parvenues à s’entendre, principalement à cause de la question du “plancher d’emploi”. Le syndicat souhaite un niveau d’emplois syndiqués garanti. La direction, qui se dit incapable de prédi­re l’évolution de la demande des marchés, s’y refuse. Et elle veut augmenter la sous-traitance, ce dont le syndicat des métallos fait un casus belli. « RTA fait de plus en plus appel à des travailleurs et à des entreprises extérieures », a déclaré à l’hebdomadaire Les Affaires, le représentant local du syndicat des métallos, Dominic Lemieux. RTA assure que la sous-traitance bénéficie aux entreprises de la région et permet de rester compétitif sur le marché mondial, le recours à des entreprises extérieures abaissant les coûts de la main-d’œuvre.

De très bonnes conditions de travail

Mais la sous-traitance permet aussi de se débarrasser progressivement d’un syndicat puissant. La moyenne d’âge des salariés, tous syndiqués, sur le modèle nord-américain des usines “unionised”, est de 42 ans. Ceux qui prennent leur retraite sont remplacés le plus souvent par des sous-traitants qui œuvrent sur place. Selon des chiffres de l’usine d’Alma, le salaire moyen chez les principaux sous-traitants est de 24 dollars de l’heure, soit environ 48 000 dollars par an (36 900 euros). Les salariés de RTA Alma perçoivent de 35 à 39 dollars de l’heure, soit 71 000 à 78 000 dollars annuels (54 600 à 60 000 euros), auxquels il faut ajouter des primes et des avantages sociaux. De très bonnes conditions salariales pour le Québec que personne ne conteste, d’autant plus que la majorité des travailleurs sont peu diplômés. Dans ce conflit, les syndicats n’ont d’ailleurs pas cherché à négocier sur les salaires ni les avantages sociaux, mais seulement à maintenir la qualité de l’emploi.

Selon la partie syndicale, la direction de RTA avait fourbi ses armes. « Nous avons vu le conflit se préparer depuis plusieurs mois, avec l’embauche de pseudo-cadres. Avec 200 cadres pour 780 travailleurs, RTA affiche un taux d’encadrement clairement démesuré qui s’explique davantage par la planification d’un lock-out que des principes de saine gestion », explique le président de la section locale du syndicat des métallos, Marc Maltais. Selon un récent rapport du ministère du Travail, RTA aurait aussi fait appel à des briseurs de grève.

De son côté, la porte-parole de Rio Tinto Alcan, Claudine Gagnon, a dénoncé lors de la grève de janvier « des gestes d’intimidation, de harcèlement, de violence » de la part des syndiqués.

Principal employeur d’une région défavorisée

Le bras de fer dépasse le cadre des conflits traditionnels. RTA est le principal employeur de la région et celui qui paie le mieux. Depuis des décennies, Hydro-Québec lui vend son électricité à des taux préférentiels pour préserver les emplois dans cette région défavorisée de la province francophone. « Le Saguenay Lac-Saint-Jean semble déchiré entre le cœur – les syndiqués – et la raison – le maintien des opérations et la préservation des intérêts régionaux », a expliqué au journal local Le Quotidien le président de l’institut de sondages Segma Recherche, Raynald Harvey. Dans les églises de la région, des drapeaux blancs ont été déployés pour montrer tout à la fois l’importance d’une résolution de ce conflit et la neutralité que veut observer l’Église vis-à-vis des deux adversaires.

Les syndiqués ont maintes fois déclaré que leur combat était mené pour la communauté d’Alma et pour que les jeunes puissent travailler dans les mêmes conditions dans vingt ans. Ce qui est loin d’être gagné. La situation semble partie pour durer. Selon le sondage Segma Recherche, plus de 60 % des habitants de la région estiment que RTA gagnera la bataille.

Auteur

  • LUDOVIC HIRTZMANN