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La fonction publique hospitalière expérimente l’apprentissage

Pratiques | publié le : 07.02.2012 | SOLANGE DE FRÉMINVILLE

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La fonction publique hospitalière expérimente l’apprentissage

Crédit photo SOLANGE DE FRÉMINVILLE

Depuis mars 2010, l’ANFH, Opca de la fonction publique hospitalière, encourage à titre expérimental l’embauche d’apprentis dans les établissements publics de santé et du médico-social. Dans un secteur confronté à une pénurie de personnel et au turn-over, l’objectif est d’attirer les jeunes dès la formation initiale.

Comment amener des jeunes à travailler dans la fonction publique hospitalière et à y rester ? C’est la question lancinante que se pose un secteur confronté à de lourdes difficultés de recrutement et de fidélisation de ses salariés. Infirmiers, kinésithérapeutes, aides-soignants sont attirés par le secteur privé qui offre des rémunérations, et parfois des conditions de travail, plus attrayantes. Ces difficultés pourraient s’aggraver rapidement. D’après la Direction générale de l’offre de soins (ministère de la Santé), la moitié des effectifs de la fonction publique hospitalière pourrait partir à la retraite d’ici à 2015.

Liés par une obligation de servir

Pour remédier à cette situation, l’Association nationale de la formation hospitalière (ANFH), qui est l’Opca de la fonction publique hospitalière, mise depuis deux ans sur l’apprentissage, à défaut de recourir aux contrats de professionnalisation, réservés au secteur privé. L’objectif est de recruter des jeunes dès leur formation initiale, ce qui permet de les intégrer très tôt dans les établissements publics de santé. En outre, une fois le contrat terminé, ils se retrouvent liés par une « obligation de servir » égale ou supérieure au temps de formation, en moyenne deux ans.

Les Hôpitaux de Marseille (AP-HM), qui utilisent ce dispositif depuis 2004, affichent un bilan positif. Les apprentis représentent 32 % des recrutements en sortie d’IFSI (institut de formation des soins infirmiers). En fin de contrat, la quasi-totalité des apprentis sont embauchés et, d’après une première estimation, environ 60 % sont fidélisés après un ou deux ans d’engagement à servir. « Si nous n’avions pas proposé aux étudiants des recrutements par l’apprentissage, ils seraient partis dans des structures privées », explique Maurice Gautier, directeur adjoint des ressources humaines à l’AP-HM. Pour les jeunes, l’apprentissage apporte la garantie d’un salaire et permet une insertion progressive en milieu professionnel. Pour les employeurs, « il est vecteur d’engagement et de fidélisation. Il facilite le transfert de compétences, car les jeunes sont intégrés très tôt. Il leur permet aussi de découvrir des services de l’hôpital qui souffrent d’a priori négatifs », ajoute-t-il.

Enfin, l’apprentissage permet de compléter les outils existants : l’allocation d’études, pour les jeunes en formation initiale, et les études promotionnelles, dispositif de formation continue destiné à qualifier le personnel des établissements publics de santé.

Cependant, l’ANFH devait surmonter 2 difficultés majeures. D’une part, l’obligation d’assumer les coûts pédagogiques : le secteur public n’étant pas assujetti à la taxe d’apprentissage, il ne dispose pas de ressources financières dans ce domaine. D’autre part, la profonde méconnaissance du dispositif en milieu hospitalier. Seuls les pharmaciens des hôpitaux, qui forment des préparateurs, et des institutions de la taille de l’AP-HM ont déjà expérimenté l’apprentissage.

5 000 euros par apprenti et par an

Pour convaincre les hôpitaux et tous les établissements publics du médico-social (Ehpad(1), foyers de l’enfance…) de se lancer dans l’aventure, l’ANFH a mis d’importants moyens en œuvre. En premier lieu, une aide financière : 5 000 euros par apprenti et par an, pour couvrir une grande partie des frais pédagogiques. Ensuite, l’Opca a engagé des partenariats avec des conseils régionaux, l’apprentissage relevant de leurs compétences, pour un soutien à la fois logistique et financier. Enfin, il a édité en mai 2011 un Guide pratique de l’apprentissage, destiné aux services de gestion des ressources humaines. En 2010, 8 régions (Île-de-France, Languedoc-Roussillon, Champagne-Ardenne, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Corse, Guyane) se sont engagées dans un premier test. Puis l’ANFH a étendu l’expérimentation à toute la France en fixant une date butoir, le 31 décembre 2012. Le budget total consacré par l’Opca à l’opération atteint 1,9 million d’euros sur trois ans.

Le bilan est mince, mais encore provisoire. En 2010, 82 contrats d’apprentissage, principalement sur des postes d’infirmiers, ont été signés dans les 8 régions participant au test, dont 47 en Île-de-France (2). Si cette région a recruté autant d’apprentis dès les premiers mois, c’est « grâce à un “développeur de l’apprentissage” qui a informé et aidé les employeurs, un poste créé et financé dans un premier temps par le conseil régional Île-de-France, puis par l’ANFH », d’après Martine Mandopoulos-Clemente, déléguée régionale de l’ANFH en Île-de-France et chef de projet “Apprentissage” au niveau national. En 2011, l’ANFH estime que 195 nouveaux contrats d’apprentissage devraient être signés. Les employeurs se montrent encore frileux face à un dispositif qu’ils ne maîtrisent pas. « Il faut informer et accompagner les équipes qui, au départ, ne savent pas comment intégrer les apprentis. Et, comme ces équipes bougent, mettre en place des salariés-tuteurs, qui s’appuient sur des référents apprentissage parmi les cadres de santé », explique Maurice Gautier.

En raison des contraintes budgétaires des établissements publics, la question financière pèse tout aussi lourd. D’après l’AP-HM, un apprenti coûte entre 19 000 et 25 000 euros par an, soit 69 % à 98 % du smic, auxquels s’ajoute le coût pédagogique. Si les conseils régionaux apportent une aide complémentaire (qui peut atteindre 1 000 à 2 000 euros par apprenti et par an), cela facilite un engagement des employeurs sur la durée.

Diversité des diplômes : du CAP au master

L’ANFH fait valoir un autre argument pour convaincre ses adhérents : la diversité des diplômes ouverts à l’apprentissage, du CAP jusqu’au master. Parmi les 82 apprentis recrutés en 2010, on trouve des infirmiers et des aides-soignants, mais aussi des kinésithérapeutes, des manipulateurs en électroradiologie médicale, des éducateurs spécialisés, des agents administratifs plus ou moins qualifiés, des spécialistes de la maintenance industrielle ou informatique… Mais se pose toujours la question de leur fidélisation, au-delà de « l’obligation de servir ». « Nous mettons en avant la richesse de l’offre de formation et les possibilités de promotion interne pour les motiver », témoigne le DRH adjoint de l’AP-HM. À défaut de pouvoir augmenter les salaires.

(1) Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

(2) Sur 160 établissements en Île-de-France, 131 sont adhérents de l’ANFH.

L’ESSENTIEL

1 D’ici à 2015, la moitié des effectifs de la fonction publique hospitalière pourrait partir à la retraite. Et attirer les jeunes dans ce secteur aux conditions de travail réputées difficiles est délicat.

2 L’Opca de la FPH mise sur l’apprentissage pour faire venir des candidats, dès leur formation initiale, sur des métiers en pénurie.

3 Des aides financières octroyées par l’Opca et des partenariats avec des conseils régionaux soutiennent le dispositif.

Auteur

  • SOLANGE DE FRÉMINVILLE