Le monde des élites en France est un club très fermé, dans lequel existe une collusion entre les hommes politiques et les patrons des grandes entreprises. Généralement de la même origine sociale, ils ont fréquenté les mêmes écoles, restaurants, amis, clubs… L’argent est devenu en quelques années la valeur suprême de ce tout petit monde, dont personne ne doute de sa compétence à diriger les affaires économiques. Faire fortune le plus rapidement possible semble devenu l’objectif essentiel de cette coterie, sans que l’État ait pris la peine de résister à cette tendance.

Sophie Coignard, auteure d’une quinzaine de livres sur les dysfonctionnements et les injustices de la société française, et Romain Gubert, rédacteur en chef adjoint du service économie au Point, expliquent l’évolution qui a transformé une nomenklatura d’énarques, serviteurs de l’État à l’origine animés d’une éthique du service public, en pantoufleurs utilisant leur entregent pour infléchir la fonction d’État dans le sens de leurs intérêts privés.

L’oligarchie au pouvoir depuis trente ans n’a cessé d’enjoliver la réalité économique, mais la drogue douce de la dette administrée à l’abri de l’euro ne suffit plus à endormir les esprits. Le temps est venu de payer la facture, ce qui ne saurait se faire sans remise en cause de cette supercherie, présentée aux travailleurs comme le nec plus ultra du capitalisme moderne, celui de l’argent sans complexe. À n’en pas douter, les classes moyennes, qui s’imaginaient bénéficiaires du système, commencent à comprendre qu’elles ont été flouées et que ceux qui les dirigent n’ont pas travaillé pour le bien commun. Le réveil, préviennent les auteurs, risque d’être brutal.

L’Oligarchie des incapables

Sophie Coignard et Romain Gubert, Albin Michel, 370 pages, 20 euros.