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La sous-traitance au cœur des enjeux

Actualités | publié le : 07.02.2012 | GUILLAUME LE NAGARD, AURORE DOHY

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La sous-traitance au cœur des enjeux

Crédit photo GUILLAUME LE NAGARD, AURORE DOHY

Une étude commandée par la Commission européenne livre des recommandations pour améliorer les relations entre donneurs d’ordres et sous-traitants. Une condition indispensable au maintien de l’emploi industriel sur le Vieux Continent.

L’emploi industriel s’impose comme un thème majeur de la campagne présidentielle française, au terme d’un quinquennat qui s’est ouvert, dans ce domaine, avec Gandrange et s’achève à Yssingeaux. Dans ce dernier cas, l’épilogue est heureux pour les ex-salariés de Lejaby, un sous-traitant de LVMH reprenant in extremis les salariés et l’atelier promis à la fermeture, assuré d’un plan de charge par son prestigieux donneur d’ordres.

Qu’il s’agisse de « produire français » (ou « acheter »), pour Nicolas Sarkozy ou François Bayrou, ou de mettre en œuvre un « pacte productif », pour François Hollande, la santé de l’industrie française repose largement sur celle des sous-traitants qui gravitent autour des plus grandes entreprises. Par exemple, la valeur sous-traitée d’une automobile est aujourd’hui d’environ 75 %, contre 25 % il y encore trois décennies.

Problématique européenne

Plus largement, il s’agit d’une problématique européenne, que vient d’explorer l’Agence pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), à la demande de la DG Emploi, dans 5 pays de l’UE (Allemagne, Espagne, France, Hongrie, Royaume-Uni). Son étude sera dévoilée le 8 février*, lors d’une table ronde à Lyon. Postulat des auteurs, dont l’Orse et Astrées pour la France, largement partagé par ailleurs : « Le futur de l’industrie dépend du caractère “soutenable” de la relation entre donneurs d’ordres et sous-traitants. » Et de proposer 10 pistes d’amélioration sous la forme de recommandations, assez générales étant donné le caractère hétérogène de cette relation dans les 5 pays étudiés, mais déclinables en pratiques dans le domaine de la régulation administrative, de la gouvernance et du dialogue social, et de l’organisation au sein de l’entreprise élargie (lire encadré).

« Dans ces pays, les définitions de la sous-traitance sont différentes, explique Julien Pelletier, qui a coordonné cette étude pour l’Anact. Mais la France dispose d’une nette avance dans plusieurs domaines. Elle est l’un des seuls pays où il existe une définition juridique de cette relation. » Il souligne la prise de conscience des pouvoirs publics avec l’installation d’un médiateur de la sous-traitance en avril 2010, puis la mise en place par le ministère de l’Industrie de 12 filières stratégiques chargées de renforcer le tissu des PME et d’améliorer les relations tout au long de la chaîne de production.

Charte des acheteurs

Parmi les autres initiatives majeures figurent la charte des acheteurs de France (235 entreprises signataires) et, dans la logique de filière, la plate-forme de l’automobile (PFA) prévoyant des actions de concertation et d’échanges entre donneurs d’ordres et fournisseurs, pour améliorer la compétitivité du secteur et donner de la visibilité aux sous-traitants.

Et pourtant, les PME de la sous-traitance pâtissent indéniablement du déséquilibre de la relation commerciale, le contexte d’internationalisation renforçant la domination des donneurs d’ordres. Résultat, des conditions de travail dégradées chez les fournisseurs, comme l’a constaté la Dares en février 2011 : davantage de travail de nuit, d’heures supplémentaires non compensées, une plus grande fréquence d’accidents du travail, davantage d’emplois précaires, en intérim notamment.

Sans parler de pratiques sociales qui défraient l’actualité, comme le montage exotique de Procme, sous-traitant de GRDF à Toulouse : la filiale française de ce groupe portugais qui fait travailler des salariés lusitaniens dans l’Hexagone vient d’être éclatée en 4 sociétés distinctes, ce qui a permis la dissolution du CE et des mandats syndicaux, ainsi que la dénonciation des usages, dont l’aide au logement et les retours réguliers au pays.

En 2003, les Chantiers de l’Atlantique avaient créé le scandale en ne maîtrisant pas l’ensemble de la chaîne d’une sous-traitance en cascade : des salariés grecs et roumains travaillaient sur les paquebots dans des conditions indignes. STX, société qui leur a succédé à Saint-Nazaire, a mis en œuvre un dispositif d’audit social de ses sous-traitants. Hasard ou pas, plusieurs candidats aux présidentielles se sont déjà rendus sur place.

« L’une des difficultés est que les grands donneurs d’ordres travaillent souvent cette relation avec des fournisseurs de première ligne, constate Julien Pelletier. Et ils leur ont délégué la gestion de la relation avec le reste de la chaîne de production. Depuis les années 2000 environ, on est passé d’une organisation en étoile, avec de nombreux sous-traitants directs, à une organisation hiérarchisée de la chaîne de valeur. » Certains pays ont d’ailleurs choisi de limiter le nombre de rangs de sous-traitants.

Échanges collaboratifs

Les outils techniques (ERP, flux tendu) permettent cette organisation, mais les ressources humaines et le dialogue social ne suivent pas dans cette entreprise étendue, y compris dans les pôles de compétitivité ou chez les plus grands donneurs d’ordres. « La crise a amené PSA à être plus proche des fournisseurs indispensables à sa chaîne d’approvisionnement », affirme l’étude menée par l’Orse pour l’Anact.

Le constructeur a notamment mis en place un portail Internet B2B qui propose des espaces d’échanges collaboratifs et décerne chaque année quelques Suppliers’Awards sur un panel de 800 fournisseurs dans le monde.

Lauréate pour sa performance qualité en 2010, la direction de l’équipementier Sacred (élastomères, 600 salariés) considère que ce prix lui a permis de gagner en visibilité. Responsable CGT de Sacred, James Bourgeois réfute pourtant toute « amélioration » de la relation avec les donneurs d’ordres : « La pression des acheteurs sur les prix se poursuit et se traduit par une dégradation incessante des conditions de travail des salariés. »

« Le monde syndical peut difficilement appréhender l’ensemble de la chaîne de valeur, constate François Fatoux, délégué général de l’Orse. Favoriser le dialogue social international, où la sous-traitance peut être représentée dans les grandes fédérations syndicales de secteur, est une solution. »

La RSE prise en compte

En attendant, le projet de décret sur le reporting RSE issu du Grenelle de l’environnement, sera publié dès la parution au Journal officiel de la loi sur la simplification administrative. Il comporte l’obligation d’informer sur la prise en compte, dans la politique d’achats, des enjeux sociaux et environnementaux et, pour les sociétés cotées, l’importance de la sous-traitance et la prise en compte de la RSE dans les relations avec les fournisseurs.

* Programme et inscription sur <www.conferencelyon-soustraitance.com>

Les 10 propositions du rapport “Coordonner les actions de production sur un espace élargi”

Organisation

→ Structurer et piloter les filières.

→ Doter les fonctions d’achats d’une responsabilité grappe industrielle ou chaîne de valeur.

→ Encourager l’innovation organisationnelle « soutenable » au sein de l’entreprise élargie.

Gouvernance élargie

→ Créer un nouvel espace de dialogue social autour des chaînes de valeur et des grappes industrielles.

→ Engager les parties prenantes dans les stratégies de formalisation RSE au sein des chaînes de valeur.

→ Faire une priorité, au niveau européen, de l’amélioration des relations au sein de chaînes de valeur.

Évolutions des normes

→ Réduire la discontinuité juridique entre droit du travail et droit commercial : aller vers un droit de l’entreprise.

→ Normaliser et harmoniser les définitions de la sous-traitance et de la chaîne de valeur.

→ Produire des indicateurs de référence du développement des chaînes de valeur.

→ Créer de nouveaux savoirs théoriques et pratiques sur le fonctionnement interentreprises.

Auteur

  • GUILLAUME LE NAGARD, AURORE DOHY