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« La progression managériale conditionne la qualité des carrières »

Enquête | publié le : 17.01.2012 | E. S.

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« La progression managériale conditionne la qualité des carrières »

Crédit photo E. S.

E & C : Dans une étude publiée en novembre 2011, vous avez analysé la qualité de la carrière de 800 cadres. Quels en sont les enseignements ?

J. P. : Dans ce travail de recherche, il s’agissait de définir la qualité des carrières en la mesurant à partir de 8 indicateurs objectifs(1). Il en ressort clairement que la carrière managériale reste la voie royale, avec cependant des disparités : ainsi, les hommes de niveau bac + 5 ayant progressé dans la hiérarchie d’une même entreprise ont des carrières de meilleure qualité que les femmes, que les bac + 3 ou que ceux qui ont vécu des mobilités externes. Il y a une fracture assez forte entre les cadres qui progressent en changeant d’entreprise, et ceux qui le font dans le cadre d’une carrière maison. En matière d’évolution de carrière, ces derniers forment une sorte d’élite.

Quant à ceux qui n’ont pas connu de progression hiérarchique, ils ne bénéficient d’aucune valorisation de leur parcours. Même s’ils peuvent se dire satisfaits de leur vie professionnelle, cet indicateur montre que leur salaire progresse moins souvent, qu’ils ont moins accès à la formation, etc.

E & C : Pourquoi la carrière managériale reste-t-elle un modèle si fort ?

J. P. : De fait, elle ne devrait plus l’être, car, depuis les années 1970, les entreprises affirment vouloir sortir des organisations hiérarchiques traditionnelles au profit d’organisations en réseau, valorisant l’autonomie des salariés. Or, derrière ce discours, elles ont quand même besoin de chefs pour contrôler, et c’est ce qu’elles récompensent. Les organisations du travail et les conventions collectives sont construites comme si la voie hiérarchique classique était le seul modèle possible ; tout le monde est “DG – quelque chose”, et la fonction de direction doit être l’ambition de tout salarié. Du coup, devenir manager pour progresser dans sa carrière reste la norme la plus puissante. Ceux qui refusent des postes d’encadrement sont perçus comme opposant une forme de résistance, même si leurs compétences leur confèrent une certaine légitimité. Ceux qui ont des trajectoires différentes sortent de la norme et leur parcours est analysé comme un échec.

E & C : Pourtant, des mobilités peuvent permettre aux personnes de connaître une évolution sans responsabilité hiérarchique. Ne peut-on pas y voir d’autres formes de carrières ?

J. P. : Ces mobilités se font au cas par cas. Il n’y a pas, derrière, de véritable parcours, avec des paliers de progression cohérents. Or, un responsable de système informatique, de développement RH ou de marketing grands comptes ont en commun le pilotage de projet, des budgets, ou des relations transverses avec les autres services. En travaillant sur ces spécificités, on peut organiser des parcours fondés sur l’importance ou la complexité du projet, par exemple. Chez les commerciaux, il pourrait y avoir des évolutions liées à la valeur ajoutée du portefeuille. Or, leur carrière reste étroitement liée au management : un bon vendeur a vocation à encadrer d’autres vendeurs, c’est le reflet de sa performance. Pourtant, une étude réalisée auprès de jeunes commerciaux sortis d’école montrait que seule une minorité aspirait à manager des équipes.

(1) La fréquence des augmentations de salaire, des formations suivies, des périodes de chômage, des accidents du travail, le salaire par rapport au salaire moyen des individus de même âge, même secteur, même type et niveau de formation, la fréquence des emplois précaires et leur position dans la vie professionnelle (en début ou en cours de parcours), le type d’employeur (grande entreprise ou PME).

Auteur

  • E. S.