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Partage des profits : une prime qui déprime !

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 17.01.2012 |

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Partage des profits : une prime qui déprime !

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Chacun sait que le gouvernement a cru bon d’insérer dans la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale du 28 juillet 2011 l’obligation pour certaines sociétés de verser une prime de partage des profits.

On avait pu s’étonner de trouver dans un texte visant à réduire les déficits de la Sécurité sociale une telle mesure accordant, en fait, une nouvelle exonération dans la limite de 1 200 euros par salarié !

On pouvait s’offusquer de cette nouvelle obligation de négocier, témoignant d’une singulière conception de la relance du dialogue social… sous la contrainte !

On ne pouvait, en outre, que s’inquiéter de la précipitation imposée à cette négociation puisqu’elle devait se conclure au plus tard le 31 octobre 2011.

Il était donc assez prévisible que cette fausse bonne idée, au relent électoraliste, provoque un effet boomerang. Et, en effet, les tensions ne se sont pas fait attendre. Ainsi, dans le groupe agroalimentaire LDC (volailles), la CFDT a rejeté la proposition de la direction d’une prime d’une centaine d’euros, « alors que les actionnaires ont une réserve de dividendes de plus de 7 millions d’euros ». Chez Sanofi, la proposition de 600 euros a été rejetée par les représentants. Schneider Electric, STMicroelectronics et Carrefour auraient proposé une prime de 150 euros et Groupama de 110. Chez Sodexo, FO a signé un accord pour une prime de 100 euros, alors que, chez Renault, toutes les organisations syndicales ont voté contre la prime de 150 euros, en soulignant que la direction a versé, en 2011, 89 millions de dividendes. Enfin, Prisma Presse a signé un accord pour une prime de 550 euros et chez Capgemini, la prime varie de 50 à 150 euros.

Finalement, alors que Bercy avait estimé que cette prime toucherait 4 millions de salariés pour un montant moyen de 700 euros, il ressort de plusieurs enquêtes qu’elle ne concernera que 2,3 millions de personnes (soit 10 % des salariés) et pour un montant plutôt de l’ordre de 250 euros. En tout cas, jamais les 1 000 euros imprudemment promis par le ministre du Budget et bien loin des 2,8 milliards annoncés.

En bref, il est peu probable que cette prime aura le succès d’estime et/ou la longévité du Jeu des 1 000 francs, animé par Lucien Jeunesse pendant quarante ans, devenu le Jeu des 1 000 euros depuis 2001 ! Et ce d’autant qu’elle ne peut éviter de rappeler que les patrons du CAC 40 ont augmenté leurs salaires de 21 % en 2010.

Ceci ne peut que raviver des revendications stimulées par de telles comparaisons et relancer les débats récurrents tels que : faut-il et peut-on augmenter le smic ? Ne faudrait-il pas limiter les écarts de rémunération ? Au risque de paraître rejoindre les donneurs de leçons, rappelons simplement que la paie est le premier instrument de la paix sociale (pacare = payer mais aussi pacifier) et qu’il convient d’abord d’accorder plus d’attention aux salaires de base avant de parler de prime.

En outre, comme il a déjà été fait remarquer dans cette chronique, des outils de partage des profits existent déjà, tels que la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié, qu’il conviendrait de mieux valoriser dans les entreprises.

Ainsi, ne pourrait-on pas imaginer, pour les entreprises qui ont effectivement augmenté leurs dividendes, l’obligation de consacrer au moins une portion à définir de cette augmentation pour abonder un accord d’intéressement ? Cela aurait le mérite de donner un mode de calcul de la prime et un support juridique – sans doute trop simple ?

Enfin, concernant l’actionnariat des salariés, la Fédération européenne de l’actionnariat salarié publie régulièrement un état des lieux mondial des pratiques en la matière, dont il ressort que la France est loin d’être leader*. Quant au Comité économique et social européen (CESE), il a lancé en octobre 2011 un appel pour développer l’actionnariat salarié.

Jacques Brouillet, avocat au cabinet ACD, membre d’Avosial, le syndicat des avocats d’entreprise en droit social.

* <www.efesonline.org/pressereview>