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LES SYSTÈMES D’ALERTE antidiscriminations, une première à Casino et Randstad

Pratiques | publié le : 22.11.2011 | MARIETTE KAMMERER

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LES SYSTÈMES D’ALERTE antidiscriminations, une première à Casino et Randstad

Crédit photo MARIETTE KAMMERER

Les deux entreprises ont mis en place depuis quelques mois un système d’alerte informatisé destiné aux salariés victimes de discriminations. Une vingtaine de demandes sont en attente à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Casino et Randstad sont les premières entreprises à avoir obtenu en mars dernier, après plus d’un an de tractations, l’autorisation de la Cnil (lire l’encadré ci-contre) pour créer un système d’alerte antidiscriminations informatisé. Un tel système est préconisé par le label Diversité délivré par l’Afnor. Il permet à un salarié ou à un candidat à l’embauche qui s’estime victime d’une discrimination de la signaler. Le ministère de l’Économie a également mis en place un dispositif de ce type mais n’a pas souhaité répondre à nos questions. « Ce système d’alerte est un outil supplémentaire de pilotage pour la DRH ; il permet d’identifier les problèmes et d’y répondre par des actions ciblées », explique Aline Crépin, directrice de la RSE à Randstad. L’autorisation de la Cnil leur permet d’informatiser le processus après plus d’un an de gestion artisanale.

Confidentialité et sécurisation des données

Un formulaire en ligne sur le site <diversite.randstad.fr>, est désormais accessible aux salariés permanents, aux intérimaires et aux candidats. Conçu par la direction RSE et la correspondante informatique et libertés du groupe, il suit les préconisations de la Cnil en termes de sécurisation et de confidentialité des données. L’auteur de l’alerte doit obligatoirement indiquer son nom et le poste occupé ou souhaité, et sa réclamation ne doit pas sortir du champ des discriminations selon la définition légale.

À Casino, les salariés peuvent faire leurs réclamations en utilisant une adresse e-mail dédiée, via Internet, intranet, ou encore par téléphone. « À l’origine, nous souhaitions un système accessible aux salariés mais aussi aux clients, à la fois victimes et témoins de discriminations, explique Mansour Zoberi, directeur de la promotion de la diversité. Mais, à la demande de la Cnil, soucieuse d’éviter les dérives et la délation, nous avons limité l’accès aux seuls salariés victimes. »

Le fonctionnement du système d’alerte est précisé dans un avenant à l’accord sur la prévention des discriminations du groupe Casino. Dans les deux entreprises, les salariés ont été informés individuellement et par affichage de l’existence de cette voie de recours. « Ils sont avertis que les réclamations hors sujet ne seront pas traitées, que les propos et l’identité du donneur d’alerte demeurent confidentiels mais que la personne mise en cause dans l’alerte sera informée de cette réclamation », ajoute Mansour Zoberi.

À Casino, les alertes sont traitées par le directeur diversité et le médecin du travail, qui peuvent se faire aider d’un expert. La direction n’a pas souhaité communiquer le nombre de réclamations déposées : « Ce nombre est sans doute très faible, car les salariés ne souhaitent pas confier à un représentant de la direction leurs problèmes avec leur supérieur, estime Fabrice Oré, DSC CGT des magasins Casino. Il vaudrait mieux faire appel à un organisme extérieur et indé­pendant. » Mais la Cnil préconise bien un traitement interne des alertes pour favoriser la confidentialité : « Cela n’interdit pas, en revanche, d’intégrer des représentants du personnel dans les commissions chargées de traiter les plaintes, ce que font déjà quelques entreprises pour les alertes économiques et financières », souligne Yann Padova, secrétaire général de la Cnil.

À Randstad, les alertes sont traitées par le comité antidiscriminations créé à cet effet et composé de sept membres*. Les représentants du personnel n’y sont pas présents mais siègent à la commission diversité, qui se réunit chaque année pour faire un bilan des réclamations.

Randstad a traité 40 alertes depuis le début de l’année. Les saisines concernent notamment l’origine, l’orientation sexuelle, l’état de grossesse et l’âge. « À chaque fois, nous faisons une enquête contradictoire pour comprendre ce qu’il s’est passé, avec une approche la plus neutre et objective possible. Nous vérifions les faits et nous impliquons le management », explique Aline Crépin.

Par exemple, une réclamation venait d’une candidate qui estimait ne pas avoir obtenu d’entretien d’embauche en raison de son origine. Sans pouvoir déterminer si son origine était en cause, le comité a pu établir que la candidate avait été mal accueillie dans l’agence, et obtenu qu’elle soit reçue en entretien.

« Nous n’avons pas eu de cas avéré de discrimination, indique Aline Crépin. La plupart des saisines résultent de crispations, de problèmes non résolus, d’une mauvaise communication, d’un malentendu. » Les managers sont alors invités à revoir leur mode de communication, les personnels en agence sont incités à donner une réponse argumentée aux candidats non retenus et, enfin, en cas de situation bloquée, il peut être proposé au plaignant de changer d’agence.

Randstad a par ailleurs renforcé ses contrôles par des appels de faux clients qui posent des conditions discriminatoires dans leur recherche de main-d’œuvre (pas de femmes, pas de Noirs, etc.) « Nous vérifions ainsi que nos agents ont des réponses correctes et, quand ce n’est pas le cas, nous les incitons à réviser l’argumentaire client conçu spécialement pour répondre à ce type de demandes illégales », ajoute la directrice RSE. D’autres campagnes de sensibilisation sur les stéréotypes, sur l’orientation sexuelle, contribuent à faire évoluer les mentalités.

* Le directeur RSE, le responsable égalité, le responsable juridique, le déontologue, le correspondant Cnil, le responsable des filiales et le responsable du pôle diversité.

L’ESSENTIEL

1 Le label Diversité préconise aux entreprises de mettre en place des systèmes d’alerte à l’attention de leurs salariés qui s’estiment victimes de discriminations.

2 Peu d’entreprises ou d’organisations ont déployé de tels systèmes à l’heure actuelle, la Cnil ayant tardé à donner sa position sur le sujet. Une vingtaine de dossiers sont en attente.

3 Casino et Randstad ont ouvert la voie et livrent leurs premiers retours d’expérience. Eamus Cork innove dans la formation à la sûreté portuaire

Autorisation obligatoire de la Cnil

Le label Diversité créé en 2008 préconise la mise en place d’un système d’alerte professionnelle permettant de faire remonter les réclamations des salariés victimes de discriminations. « En tant que traitements automatisés de données à caractère personnel, ces systèmes d’alerte doivent être autorisés par la Cnil sous le régime de l’autorisation unique », rappelle Anne-Sophie Poggi, avocate au cabinet Derriennic Associés. En effet, la procédure de déclaration simplifiée est réservée aux seules alertes économiques et financières, liées à la loi américaine anticorruption Sarbanes-Oxley.

Concernant les alertes sur les discriminations, la Cnil a mis du temps à se décider. « La commission est prudente sur ces dispositifs d’alerte afin d’éviter toute forme de dérive, indique Yann Padova, secrétaire général de la Cnil. C’est pourquoi nous avons eu des réunions de travail avec l’Afnor, l’ANDRH et des audits avec les entreprises concernées, pour bien sécuriser et encadrer leur fonctionnement. »

Maintenant que la Cnil a clarifié sa position et ses exigences dans deux délibérations datées du 3 mars 2011, le processus d’autorisation devrait être plus rapide pour les 20 dossiers en cours d’instruction. Et, si le rythme des demandes s’accélère, la commission n’exclut pas de créer une procédure de déclaration simplifiée. Il y a en effet 270 organisations labélisées diversité ; les plus modestes se contentent toutefois d’un traitement manuel des alertes.

Alertes : les conditions à respecter

→ Les alertes doivent porter uniquement sur des cas de discrimination correspondant à l’un des 18 motifs définis par la loi (âge, sexe, origine, orientation sexuelle, etc.).

→ L’anonymat est interdit, le donneur d’alerte a obligation de s’identifier afin d’éviter la dénonciation calomnieuse.

→ Les salariés doivent être informés des finalités du dispositif et connaître le nom des personnes habilitées à traiter les alertes.

→ L’identité du donneur d’alerte et les informations transmises doivent être confidentielles.

→ Les données doivent être conservées pendant une durée limitée.

→ Les représentants du personnel doivent être informés et consultés.

→ Le dispositif doit être non obligatoire et complémentaire à d’autres voies de recours.

L’Afnor va compléter le guide du label Diversité en y ajoutant ces préconisations de la Cnil.

Auteur

  • MARIETTE KAMMERER