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LES RÉSEAUX SOCIAUX INTERNES AU SERVICE DU COLLECTIF

Enquête | publié le : 04.10.2011 | VIRGINIE LEBLANC

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LES RÉSEAUX SOCIAUX INTERNES AU SERVICE DU COLLECTIF

Crédit photo VIRGINIE LEBLANC

Les réseaux sociaux se diffusent de plus en plus dans les entreprises. Outils puissants de mise en relation de collaborateurs, ils font également émerger de multiples communautés d’intérêt autour d’expertises, de bonnes pratiques et de projets. Les DRH sont en première ligne pour leur déploiement.

Les réseaux sociaux grand public de type Facebook ont connu dès leur apparition une progression fulgurante. Aujourd’hui, ce sont les projets de réseaux sociaux, cette fois internes à l’entreprise, qui se multiplient. « On est loin d’un effet de mode, c’est une tendance de fond en 2011 », estime Sébastien Blanc, directeur commercial de Yoolink, une société qui propose la solution de réseau social d’entreprise YoolinkPro, en mode Saas. « Dans ce marché émergent, on constate depuis un an une socialisation de l’ensemble des applications des systèmes d’information », remarque Arnaud Rayrole, directeur du cabinet conseil Lecko, ex-Useo(1).

Ce n’est pas un hasard si Orange a lancé, il y a un an, un observatoire des réseaux sociaux d’entreprise (RSE) dirigé par Ziryeb Marouf(2), responsable RH 2.0 de l’opérateur (lire Entreprise & Carrières n° 1050), qui réunit une soixantaine d’entreprises du CAC 40 ayant mis en place un réseau ou y réfléchissant, l’idée étant de partager des bonnes pratiques et de débattre des questions qui émergent autour de leur implantation. En observateur actif, Thierry Flury, directeur des applicatifs RH groupe et réseaux sociaux à la DRH d’Orange, recommande avant tout « de bien définir ce que l’on attend d’un réseau social d’entreprise : la finalité est-elle orientée business, métiers, knowledge management ou lien social ? »

Un levier pour différents process métiers

Car l’engouement des entreprises pour ces réseaux n’est pas seulement une réponse au besoin de la génération Y de trouver dans son environnement de travail les outils qu’elle a l’habitude d’utiliser à titre personnel. « Les RSE sont un levier pour différents process métiers, dont la vente et le marketing, mais aussi les RH. Ils permettent de libérer la parole des salariés, de recruter des profils qui n’auraient pas forcément été identifiés autrement, et ils sont très utiles pour élaborer les plans de formation », avance Alain Garnier, le dirigeant de Jamespot, solution de RSE en mode Saas. Les RH sont donc en première ligne de leur déploiement (lire l’encadré sur les usages RH).

Un exemple : « Beaucoup d’entreprises, lors de la conception de leur plan de formation annuel, sont confrontées à un nombre considérable d’allers et retours entre de multiples interlocuteurs, ce qui rend cette opération très chronophage, explique Étienne Daugny, directeur de la société Transition Carrières. Le fait de disposer d’un réseau social pour le construire permet à toutes les personnes concernées d’avoir la même information à jour et en même temps, tout en diminuant le nombre de mails interpersonnels. »

Le réseau social est également un sérieux atout pour favoriser la mobilité interne : « Il donne de la visibilité aux compétences », remarque Antoine Perdaens, Pdg de Knowledge Plaza. Par ailleurs, « dans des groupes internationaux, c’est un outil puissant pour la recherche de spécialistes », ajoute Jean-Luc Valente, Pdg de blueKiwi. « Certaines entreprises l’utilisent pour construire un accord de GPEC », poursuit Étienne Daugny. « L’outil IBM Connections permet de tisser une toile de relations grâce aux annuaires. En outre, on peut y agréger des compétences pour enrichir la démarche de GPEC, avec l’accord du salarié », illustre aussi Pierre Milcent, expert réseaux sociaux d’entreprise pour IBM. Une approche qui n’a pas été celle d’Orange, par exemple, qui a fait le choix de ne pas lier son réseau aux applications RH existantes (lire p. 25). L’objectif est de créer du lien et de casser un fonctionnement en silos en introduisant davantage de transversalité dans les échanges.

Le RSE peut aussi être au service d’un réseau physique préexistant. C’est le cas de What’Elles à Auchan, un réseau dédié aux femmes. L’objectif est de promouvoir la place des femmes aux postes de direction et le site Web à leur service (plate-forme Blogspirit) leur permet de rentrer en contact grâce à un annuaire spécifique. Par ailleurs, « elles sont informées des événements organisés partout en France par le réseau et elles peuvent prendre connaissance des bonnes pratiques de certains établissements », énonce Laurence Fornari, responsable diversité et mission handicap d’Auchan France. Lancé le 9 mai dernier, le site recense 300 adhérentes.

Co-création de nouveaux produits

Autre usage très prisé par les entreprises : l’innovation et la R & D. Le levier de l’innovation est à l’origine de la création de nombreuses communautés. Chez Danone, la direction a choisi de miser sur le partage des bonnes pratiques et des savoir-faire ainsi que sur la co-création de nouveaux produits (lire p. 23). Mais les échanges peuvent aussi faire remonter les idées des collaborateurs de terrain. Simply Market, l’enseigne de supermarchés du groupe Auchan, donne ainsi la parole à ses 13 500 salariés répartis dans 300 magasins (lire Entreprise & Carrières n° 1025), rompant avec des usages de communication descendante.

Des freins forts

« On peut voir apparaître des freins forts au déploiement des réseaux du côté du premier niveau de management, qui se demande quel devient son rôle si on permet à l’innovation de jaillir d’en bas », constate Na-Young Kwon, chef de produit SharePoint chez Microsoft. « Le manager est de moins en moins le référent métier de son collaborateur, qui se tourne vers ses collègues ; le DRH doit donc s’impliquer pour imaginer l’évolution du rôle du management », observe Pierre Milcent. Désormais, « ce qui caractérise les réseaux est que l’information n’est l’apanage de personne. Pourtant, ce qui pourrait paraître un frein peut, au contraire, se révéler une opportunité de passer d’un management de contrôle à un management de leadership beaucoup plus humain », remarque également Ziryeb Marouf (lire Entreprise & Carrières n° 1050). Un autre frein pourrait venir du collaborateur lui-même, qui craint parfois d’être jugé, voire évalué en fonction de ce qu’il écrira dans sa communauté : « Il ne faut pas transformer le RSE en un outil de mesure de la performance, c’est un outil au service du collaborateur », prévient Arnaud Rayrole.

Pour clarifier le fonctionnement et les objectifs des RSE, Étienne Daugny plaide notamment pour des formations de managers « qui, majoritairement, ne savent pas travailler en réseau » (lire aussi l’entretien p. 26). Et pour des chartes de bons usages afin de cadrer les pratiques (lire pp. 25 et 26, Orange et Bouygues Télécom): « Elles peuvent être très différentes d’une entreprise à une autre ; toutes n’autorisent pas les espaces plus personnels dédiés au partage de passions. » Même si le coût de tels projets est modeste – il est variable en fonction des éditeurs mais il peut être de l’ordre de 2 euros par mois et par utilisateur –, les entreprises cherchent à identifier des indicateurs de mesure de leur efficacité : « Il est difficile de mesurer un ROI, reconnaît Jean-Luc Valente, mais un réseau qui fonctionne bien induit une baisse drastique du nombre d’e-mails internes, et avec moins de messages à gérer, la productivité s’améliore forcément. » « Les gains de temps sont évidents : les temps de réunions peuvent être divisés par deux, car elles servent davantage à prendre des décisions. Les entreprises font des économies sur les frais et les temps de déplacement », constate Alexandre Mermod, CEO de Calinda Software.

Des gains mesurables

Les critères de succès peuvent aussi se comptabiliser en nombre de communautés actives, en nombre de participants aux communautés, de visites, de contributions, en accélération d’un cycle de vente, ou encore en nombre de postes pourvus et en gain de temps pour un objectif de mobilité. En tout état de cause, « dès le début, il faut identifier des usages qui permettent de faire gagner des choses mesurables », indique David Guillocheau, directeur de Talentys, société de conseil en stratégies et solutions de talent management.

Les dirigeants de Jamespot et Transition Carrières, partenaires pour accompagner les entreprises dans la mise en place de RSE, citent les données de l’éditeur américain Jive : un gain de 37 % de productivité grâce à un temps de recherche de l’information réduit de 32 %; une diminution de 27 % des courriels et de 26 % des réunions. Des chiffres à modérer en France, mais qui motiveront plus d’un DRH.

(1) Le cabinet a publié un référentiel très complet des solutions de réseau social : <http://referentiel.useo.net/>

(2) Auteur de Les réseaux sociaux numériques d’entreprise, état des lieux et raisons d’agir, L’Harmattan, 2011.

L’ESSENTIEL

1 Les réseaux sociaux numériques ont trouvé leur place pour un usage interne à l’entreprise.

2 Utiles pour stimuler l’innovation et les interactions entre les salariés de multiples métiers, ils imposent une nouvelle forme de communication transversale.

3 Les RH sont au cœur de leur impulsion.

Définition

« Le réseau social d’entreprise, ou RSE, se définit comme l’ensemble des individus qui prennent part à une activité d’un business et dont on matérialise dans le numérique les interactions sociales autour de cette activité afin de l’améliorer. »

Source : Le Réseau social d’entreprise, Alain Garnier et Guy Hervier, éditions Lavoisier, 2011.

DE NOMBREUX USAGES ENVISAGEABLES POUR LES RH

→ La création d’espaces de travail permettant de fédérer les responsables RH de différentes business units : Compensation & Benefits, recrutement, formation, communication RH, GPEC et évaluations, mobilité et carrières, paie et SIRH, relations sociales, etc.

→ Communautés de travail dédiées à l’animation de démarches RH spécifiques : parité hommes-femmes, diversité, handicap, etc.

→ Accompagnement de projets RH : campagnes de coaching, déménagement de siège social, etc.

→ Accompagnement RH des fusions-acquisitions : création de communautés entre les organisations concernées ; communication sur les impacts organisationnels ; homogénéisation des conditions d’emploi.

→ Et encore : veille sociale, intégration de nouveaux embauchés, gestion des hauts potentiels, transferts de compétences lors de départs à la retraite…

Source : BlueKiwi.

Auteur

  • VIRGINIE LEBLANC