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Enquête

L’HOMME EST L’AVENIR DE L’EGALITE PROFESSIONNELLE

Enquête | publié le : 13.09.2011 | EMMANUEL FRANCK

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L’HOMME EST L’AVENIR DE L’EGALITE PROFESSIONNELLE

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

Le gouvernement prépare une réforme des congés pour naissance. L’objectif est que les pères s’investissent davantage dans leurs tâches parentales, afin que les mères puissent se consacrer à leur carrière. Certaines entreprises ont déjà pris des mesures en ce sens, mais avec encore peu de résultats.

Hier salariale, la politique pour l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes devient aussi sociétale. Jusqu’au mois de novembre de l’année dernière, l’objectif assigné aux entreprises par le législateur était de supprimer les écarts de salaires. L’échéance était même fixée au 31 décembre 2010. Cet objectif est désormais caduc. Seule demeure l’obligation de signer un accord ou de produire un plan unilatéral sur l’égalité professionnelle, sous peine d’une pénalité financière. Le décret sur les modalités d’application de cette pénalité et sur le contenu des accords a été publié le 9 juillet au Journal officiel.

Des pères moins investis

Le nouveau credo des pouvoirs publics est désormais que les pères doivent s’occuper davantage de leurs enfants, afin que les mères s’investissent davantage dans leur travail. Après s’être attaqué sans succès à une conséquence de l’inégalité professionnelle (l’inégalité salariale), le gouvernement veut donc maintenant traiter une de ses causes : la faible implication des pères dans les tâches parentales. Dans son rapport, remis au mois de juin à Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités, l’inspectrice des affaires sociales Brigitte Grésy écrit : « Si l’inégalité professionnelle trouve avant tout son origine dans l’inégal partage du temps parental et domestique entre les femmes et les hommes, et que les compétences professionnelles en revanche n’ont pas de sexe, alors, c’est du côté des conditions d’exercice de la paternité qu’il faut investiguer. »

Brigitte Grésy constate que les pères s’investissent moins que les mères dans les tâches parentales, et qu’en conséquence, une paternité a moins d’incidences professionnelles qu’une maternité (lire l’encadré p. 28). De là, un employeur conclura qu’il est risqué d’embaucher une femme. Un objectif du rapport Grésy est d’en finir avec ce stéréotype en rendant la parentalité neutre aux yeux de l’employeur. Cela suppose de faire évoluer la mentalité des pères, en créant les conditions pour une “négociation conjugale” favorable aux femmes.

Afin de favoriser la parentalité masculine, Brigitte Grésy propose notamment d’allonger le congé de paternité de onze jours à quatre semaines. Le congé parental (complément de libre choix d’activité) serait réduit à un an, mais mieux rémunéré (60 % du salaire antérieur); deux mois seraient réservés au père(1). Roselyne Bachelot-Narquin a invité les partenaires sociaux à se saisir du sujet des congés parentaux dès l’automne en vue d’un projet de loi début décembre. Toutefois, sans développement de l’offre de garde d’enfants, il n’y aura pas de vrai rééquilibrage. Or il manque au moins 350 000 places d’accueil du 1er âge, comme le rappelle Brigitte Grésy (lire l’entretien p. 32).

Quelques rares entreprises ont déjà commencé à travailler sur la parentalité masculine : des pionnières qui prennent le risque d’interférer dans la vie conjugale de leurs salariés, qui plus est pour aller à rebours de tendances sociétales.

Une étude(2) de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) consacrée à la parentalité masculine dans les accords d’égalité professionnelle relève trois degrés d’engagement de la part de ces entreprises : l’affirmation de principes, la sensibilisation des hommes aux dispositifs parentaux et la mise en place de mesures concrètes et financées(3).

Il peut s’agir de mesures spécifiquement destinées aux pères. Ainsi, des entreprises, relativement nombreuses, compensent la baisse de salaire lors d’un congé de paternité afin de le rendre plus attractif (Alstom Transport, Areva, Adecco, HSBC, lire pp. 28 à 32). Dans le même objectif, Alstom Transport envisage de rendre le congé paternité fractionnable, afin que les cadres hésitent moins à l’utiliser.

À l’instar de Bayer (lire p. 30), d’autres entreprises proposent des formations dédiées aux pères ou communiquent auprès de ces derniers pour les inciter à utiliser les dispositifs parentaux. C’est dans ce but qu’Areva est en train d’expérimenter le regroupement du temps partiel pendant les vacances scolaires. Une mesure unisexe, mais qui s’adresse en fait aux salariés hommes qui pensent que ne pas travailler les mercredis est incompatible avec des responsabilités professionnelles. Par souci d’égalité, à moins que ce ne soit par crainte de discriminer, certaines entreprises décident d’étendre un avantage auparavant réservé aux femmes. Par exemple, la prime “fête des mères” de HSBC a été requalifiée en “prime parentale” en 2008. À la même époque, le “mercredi mères de famille” de L’Oréal a été ouvert aux pères (lire p. 33).

Ces mesures favorables à la parentalité masculine vont en général de pair avec des dispositions sur la parentalité en général, et plus globalement pour un meilleur équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle : jours de congés supplémentaires, crèches, neutralisation de l’impact financiers des congés parentaux, recommandations sur les horaires de réunion…

Problème sociétal

Malgré la bonne volonté de ces entreprises, force est de constater que toutes ces mesures n’ont eu pratiquement aucune incidence sur l’investissement des pères dans leur paternité. Le congé paternité rémunéré à 100 % est certes utilisé, mais pas en totalité. De même, les “cours de jambon purée“ de Bayer n’ont pas trouvé preneurs. Quant aux mesures favorables aux parents hommes et femmes (jours de congé supplémentaires, neutralisation financière de ces congés…), elles ont essentiellement bénéficié aux femmes, accentuant ainsi les déséquilibres antérieurs. Les DRH sont donc obligés d’admettre qu’ils sont impuissants face à un problème sociétal qui les dépasse. Voilà qui plaide effectivement pour une intervention des pouvoirs publics.

(1) Intégralité du rapport consultable sur <www.wk-rh.fr>, Entreprise & Carrières, rubrique docuthèque.

(2) La place des hommes dans les accords sur l’égalité professionnelle, François Fatoux, Rachel Silvera, Orse, mars 2011.

(3) Ces accords sont accessibles sur le site de l’Orse <www.egaliteprofessionnelle.org>.

L’ESSENTIEL

1 Afin que les mères puissent s’investir davantage dans leur travail, il faut que les pères prennent plus que leur part actuelle dans l’éducation des enfants. Une condition pour l’égalité professionnelle.

2 En partant de ce raisonnement, des entreprises tentent de favoriser la parentalité masculine, mais avec peu de résultats pour l’instant.

3 Avec le même objectif, le gouvernement prépare une réforme des congés pour naissance.

La parentalité, une tâche toujours féminine…

3 heures par jour pour les mères ; 1 h 20 pour les pères

… malgré le succès du congé paternité…

68 % des salariés du privé y recourent

… et dont les conséquences professionnelles…

40 % des femmes connaissent un changement dans leur situation professionnelle après l’arrivée d’un enfant ; 6 % des hommes

96 % des bénéficiaires du congé parental sont des femmes

76 % des salariées du privé disent s’absenter lorsque leur enfant est malade ; 46 % des hommes.

73 % des femmes avec un jeune enfant travaillent ; 92,5 % des hommes

… tiennent aussi à l’attitude des employeurs.

24 % des femmes obtiendraient le temps partiel sur simple demande ; 14 % des hommes*

* Chiffres issus du rapport Grésy.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK