logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

Sauvés par la Scop

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 19.07.2011 | MARIETTE KAMMERER, CAROLINE FORNIELES

Le 6 octobre 2004, les Aciéries de Ploërmel déposaient le bilan. En janvier 2005, la moitié des salariés font le pari de reprendre l’entreprise en créant une société coopérative de production (Scop). Six ans et demi plus tard, c’est un vrai succès.

Bien décidé à se développer en Europe, le groupe américain Amsted avait racheté, à la faveur d’une OPA, les Aciéries de Ploërmel, entreprise spécialisée dans les pièces de sécurité de l’industrie ferroviaire. L’Américain espère un eldorado des privatisations de ce secteur. Mais les commandes ne sont pas au rendez-vous. Le groupe investit peu dans l’innovation, et les résultats se dégradent rapidement. Quatre ans plus tard, le 6 octobre 2004, Amsted jette l’éponge et dépose le bilan avec un passif de 6 millions d’euros.

Mise en liquidation

Fin 2004, deux propositions de reprise sont étudiées sans suite. En janvier 2005, un administrateur judiciaire est nommé pour réaliser la liquidation. « L’idée de la reprise en Scop par les salariés est venu de lui, se rappelle Alain Sabourin, actuel directeur général. Nous étions livrés à nous-mêmes après le départ de notre directeur général et j’assurais les affaires courantes. C’est au moment où plus personne n’y croyait que l’administrateur judiciaire a lâché : “une Scop, c’est jouable !” »

L’idée fait son chemin. L’Union régionale des Scop de l’Ouest apporte son expertise. Sur 80 salariés, 42 acceptent d’acheter le capital pour 200 000 euros, en apportant chacun trois mois de salaire net. Amsted accorde 1,5 million d’euros, soit la somme qu’il aurait déboursée pour le reclassement des salariés ; enfin, les subventions de l’État et des collectivités locales permettent, avec 1,7 million d’euros, de clore le budget. L’administrateur judiciaire valide quelques semaines plus tard le dossier de reprise en effaçant le passif.

Des bénéfices au rendez-vous

Six ans et demi plus tard, l’entreprise, rebaptisée Aciéries de Ploërmel Industrie, ne s’est jamais si bien portée. L’effectif est passé de 80 à 100 salariés, son chiffre d’affaires de 7 à 9,2 millions d’euros, et elle a déménagé cette année dans une usine flambant neuve dont la construction a coûté 12 millions d’euros. L’entreprise a réalisé chaque année depuis sa reprise un bénéfice de 6 % à 7 % du chiffre d’affaires, excepté en 2010, où les commandes ont baissé et où l’entreprise n’a quasiment pas gagné d’argent.

Pourquoi ce succès ? Des économies d’abord : le conseil d’administration a validé un allégement drastique de certaines dépenses. Le nombre de cadres a été réduit, le salaire du directeur général divisé par 2,5, et sa luxueuse voiture de fonction supprimée. Mais surtout, les Aciéries ont conservé leurs clients, dont la SNCF, Bombardier, Alstom. Et les opérateurs ont relancé des projets : les régions ont amélioré leur réseau ferroviaire et les villes se dotent de tramways. L’entreprise a conforté ses compétences. « Nous fournissons des pièces de sécurité des parties roulantes des trains Corail, des TGV, des métros ou des tramways », commente Alain Sabourin, confirmé à son poste et élu pour six ans lors du premier conseil d’administration.

Un statut privilégiant la pérennité de l’activité

Mais le statut de Scop a aussi été essentiel à la réussite : « Il permet de privilégier l’emploi et la pérennité de l’activité », explique le directeur général. Une Scop doit en effet affecter un minimum de 15 % de ses bénéfices aux fonds propres de l’entreprise, mais peut en verser davantage selon ses besoins en investissement : « Pour pouvoir investir dans le renouvellement de nos machines et dans la construction de la nouvelle usine sans trop nous endetter, nous avons décidé d’affecter 60 % du résultat net au fonds de réserve, ce qui serait impossible dans une entreprise classique », ajoute-t-il.

La répartition des profits est entérinée chaque année en assemblée générale des salariés actionnaires, sur proposition du conseil d’administration : « Cela nous donne une solidité et une indépendance, car, avec 4 millions de fonds propres et une bonne trésorerie, on s’en sort même après une mauvaise année comme 2010. »

Les Scop doivent également redistribuer une part des profits à tous les salariés sous forme de participation à hauteur de 25 % minimum, et une part aux salariés actionnaires sous forme de dividendes à hauteur de 33 % maximum. Le règlement prévoit que les dividendes ne peuvent pas être supérieurs à la participation. « Nous affectons 25 % à la participation, ce qui équivaut à un 13e mois, et le reste, soit 15 %, aux dividendes, ce qui fait un 14e mois pour les salariés actionnaires », précise-t-il. Tout salarié peut en effet devenir actionnaire un an après son entrée dans l’entreprise, en investissant trois mois de salaire net dans le capital, une somme qu’il récupère quand il la quitte.

Autre intérêt de la Scop, elle procure de la cohésion car l’avis de chacun – cadre ou employé – compte de la même façon. « Même s’il y a bien sûr des désaccords, l’entreprise a retrouvé une forme de sérénité. Les informations financières sont connues de tous. Et nous nous sentons maintenant maîtres de notre destin. Certains retraités ont même voulu rester actionnaires », commente le directeur général.

Quinze ans de commandes

Assuré par les nombreux projets d’investissement en matière de trains et de tramways que les commandes vont perdurer pendant au moins quinze ans, Alain Sabourdin ne se grise pas : « Il faut rester prudent. On pourra grossir un peu, mais 120 salariés me paraît être un maximum. »

DATES CLÉS

1994 Keystone USA (Amsted) rachète les Aciéries de Ploërmel.

1999 Les Aciéries intègrent le groupe Keystone Europe.

Fin 2004 Dépôt de bilan. Deux propositions de reprise sont étudiées sans suite.

Janvier 2005 Un administrateur judiciaire est nommé pour réaliser la liquidation.

2005 Rachat de la société par les salariés, création d’une Scop au nom d’Aciéries de Ploërmel Industrie.

Auteur

  • MARIETTE KAMMERER, CAROLINE FORNIELES