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Après la crise, les négociations salariales restent tendues

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 12.07.2011 | SÉVERINE CHARON

Au printemps 2009, face à une forte chute conjoncturelle de son carnet de commandes, Poclain Hydraulics a diminué le temps de travail et la rémunération de ses salariés dans tout le groupe durant une année, afin d’éviter un important plan de réduction des effectifs.

Début 2009, la crise frappe de plein fouet le groupe Poclain Hydraulics, leader mondial de la conception et de la fabrication de transmissions hydrauliques pour engins agricoles et véhicules de chantier. L’entreprise, qui connaît depuis plusieurs années un fort développement, s’attend à un recul de 30 % à 35 % de son chiffre d’affaires pour l’exercice 2009. Pour prendre les devants, le groupe réduit notamment ses frais généraux et suspend des projets d’extension d’usine et de développements informatiques.

Éviter les licenciements

Pour éviter les coupes dans les effectifs – 200 personnes ont été embauchées en 2008 –, la direction propose de faire « jouer la solidarité » en réduisant, jusqu’à la fin de l’année 2009, temps de travail et salaire des 1 300 salariés du groupe, dont 514 en France. Chacun des salariés français est consulté, conformément à la législation. La direction leur propose de choisir entre des mesures individuelles liant réduction du temps de travail – avec un horaire hebdomadaire qui passe de 35 heures à 27 heures 30 –, et une diminution du salaire de 20 %, et une procédure collective : un plan de sauvegarde de l’emploi de 120 postes, un peu moins d’une personne sur quatre concernée.

La très grande majorité des salariés choisit la solidarité et accepte de se serrer la ceinture : « Les gens ont vite compris que c’était le seul moyen d’éviter les licenciements », se souvient Jean-Jacques Bereaux, délégué syndical CGT. « 92 % du personnel et la totalité des organisations syndicales ont signé l’accord. La masse salariale a pu être réduite de 26 %, sans plan social », précise Alain Everbecq, DRH de Poclain Hydraulics et artisan de cet accord.

La législation française impose qu’un avenant soit apporté à chaque contrat de travail : 39 personnes refusent cependant de le signer et quittent l’entreprise, licenciées pour motif personnel. La DRH se base sur un article du Code du travail (L. 1222-8) qui stipule que, « lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail résultant de l’application d’un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement est un licenciement qui ne repose pas sur un motif économique. Il est soumis aux dispositions relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel ».

Toutefois, certains salariés ne l’entendent pas de cette oreille et estiment qu’il s’agit d’un licenciement pour motif économique. Une quinzaine d’entre eux ont collectivement saisi les prud’hommes. L’affaire est en cours : les plaidoiries se sont déroulées fin juin, et le jugement sera rendu le 31 octobre prochain.

Dans les sites basés à l’étranger, les diminutions conjointes du temps de travail et de la rémunération ont été déclinées en fonction des impératifs économiques et de la réglementation locale.

Adaptation des mesures à l’étranger

Aux États-Unis, Poclain Hydraulics va instaurer jusqu’à douze semaines d’arrêt de travail non indemnisées. En République tchèque, où l’activité a chuté de plus de 50 % après une forte croissance, le temps de travail et la rémunération baissent de 20 % et 45 départs ne sont pas remplacés. C’est en Suède, un pays à qui on prête une avance en matière de relations sociales en entreprise, que la mesure a été la plus difficile à mettre en place, remarque Alain Everbecq. Habituées à conformer leur fonctionnement et leur décision de gestion à un cadre législatif et réglementaire contraignant, les entreprises suédoises ont buté sur cette mesure dérogatoire.

Au final, ces démarches en France et à l’étranger permettent à Poclain Hydraulics de se rétablir. L’année 2009, qui s’annonçait très difficile, se termine bien. « L’exercice s’est soldé par un bénéfice de 2 millions d’euros, dont un tiers a été redistribué aux salariés », signale le DRH. Et les salariés retrouvent comme prévu, le 31 décembre 2009, leurs temps de travail et salaire antérieurs.

Redistribution des bénéfices contestée

Mais cette embellie n’a pas touché les relations sociales. Les salariés ont l’impression de n’être pas payés en retour des efforts consentis. En témoigne la passe d’armes entre eux et la direction, provoquée par la redistribution de 700 000 euros de primes début 2010. Ils ont été redistribués proportionnellement aux salaires, l’entreprise estimant qu’il était juste que les cadres soient mieux rémunérés, puisqu’ils avaient davantage perdu que les ouvriers entre avril et décembre 2009. La baisse de revenus avait été de l’ordre de 5 % pour les ouvriers et de 15 % pour les cadres. De leur côté, les ouvriers, menés par la CGT, demandaient que les 700 000 euros soit également répartis entre tout le personnel.

Les négociations salariales de 2010 et de 2011 ont été également tendues, avec des débrayages en 2010 et une journée de grève en 2011. « Avec le recul, on se demande si on a bien fait d’accepter cette réduction de salaire en 2009. À la lumière des dernières négociations, on se dit que la direction cherche davantage à partager avec les salariés quand tout va mal que lorsque cela va bien », estime Jean-Jacques Bereaux.

DATES CLÉS

Printemps 2009 : départ de tous les CDD et intérimaires.

A partir de mai 2009 : anticipation des congés. Réduction du temps de travail et du salaire de 20 %. Le 13e mois est réparti sur les huit derniers mois de l’année pour amortir la baisse de salaire.

Septembre 2009 : versement d’une prime d’intéressement de 1 500 euros brut à l’ensemble des salariés.

Décembre 2009 : fin de la mesure de réduction du temps de travail et du salaire.

Janvier 2010 : retour à la normale.

Avril 2010 : versement d’une nouvelle prime exceptionnelle.

Auteur

  • SÉVERINE CHARON