Le travail des salariés consiste en grande partie en un zapping intensif d’une activité à l’autre. Tout étant devenu urgent et le temps de réaction dans l’entreprise s’étant contracté, le salarié, supposé autonome et responsable de tout et envers tout le monde, est censé tout faire à la fois : répondre au téléphone, à ses mails, aux demandes internes, qu’elles viennent d’un collègue ou d’un supérieur, comme externes, sans perdre de vue ses objectifs, la gestion de sa carrière, sa formation et le relationnel avec ses collègues. Le tout avec le sourire de préférence, sous peine d’être épinglé comme personnalité psycho-patho.

Cet “azimutage” incessant n’est pourtant pas valorisé comme une compétence professionnelle, voire, dans certains cas, peut donner lieu à des critiques, sous prétexte que se manifesterait ainsi l’incapacité du salarié à se focaliser sur l’essentiel, ce qui constitue la définition et le sens supposé de son poste.

Caroline Datchary, maître de conférences à l’université de Toulouse, conduit depuis 2008 des enquêtes ethnographiques sur la dispersion. Le résultat de ses recherches la conduit à préciser comment les salariés composent avec leurs différentes tâches pour tenter de mettre en lumière l’importance décisive de cette compétence plutôt décriée que valorisée, alors même qu’elle est la rançon de la complexification du travail. Au cours de sa recherche sont abordés de front le rapport au temps, aux émotions, l’enchevêtrement de la vie professionnelle et de la vie personnelle, l’usage des TIC, l’intensification du travail… L’objectif de l’auteure est de montrer que la juste reconnaissance des compétences associées aux situations de dispersion constitue un véritable enjeu pour l’entreprise.

La Dispersion au travail

Caroline Datchary, Octares, 206 pages, 20 euros.