Depuis avril 2009, les candidats répondant à des offres d’emploi publiées sur l’espace carrières de Bouygues Telecom (soit quelque 38 000 CV par an) voient leur CV passer par la moulinette d’un logi­ciel conçu avec les sociétés Lingway et Rflex. En quelques secondes, l’outil identifie les critères potentiels de discrimination (âge, nom d’origine étrangère, sexe, lieu de résidence…), et extrait toutes les autres informations pour les transmettre au recruteur. En parallèle, Bouygues prend soin d’informer ces candidats que leur CV sera “anonymisé” pour mieux garantir l’égalité des chances. « Cette solution est moins fastidieuse et plus rapide que de demander à un(e) candidat(e) de ressaisir son CV sur un formulaire en ligne. Chaque fois que vous allongez un processus de recrutement, vous risquez de perdre des candidats de valeur », explique Jérôme Barbier, directeur du développement RH chez Bouygues Telecom.

Avec cette initiative, d’ailleurs peu onéreuse, l’employeur fait un nouveau pas dans la lutte contre les discriminations. Dommage cependant qu’il n’ait pas pris la peine de mesurer l’impact de cet outil sur ses pratiques RH. « La diversité dans toutes ses dimensions n’est pas mesurable et la nature des recrutements pouvant évoluer d’une année sur l’autre, les comparaisons auraient pu également être faussées », plaide Jérôme Barbier.

Et, bien que de récentes études comme celles du Centre de recherche en économie et en statistique (Crest) mettent en doute l’intérêt du CV anonyme (lire Entreprise & Carrières n° 1044), le directeur du développement RH de Bouygues Telecom se refuse à entrer dans la polémique. Car s’il ne saurait suffire à changer la donne, le CV anonyme présente des atouts : « Ce n’est pas une solution miracle contre la discrimination, mais ce n’est pas un gadget non plus, car il permet de se concentrer efficacement sur les compétences. C’est un outil qui a complété et renforcé nos engagements en la matière », poursuit Jérôme Barbier. Des engagements qui concernent tous les publics : accord relatif à l’insertion et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (2004), à l’égalité professionnelle homme-femme (2006), à l’emploi et au travail des seniors (2007), signature de la charte sociale européenne et de la charte de la diversité (2007)…

En 2008, un nouveau cap est franchi avec la création d’un pôle « égalité des chances et diversité » au sein de la DRH. Pour quel résultat ? Si l’on prend la catégorie handicapés, l’opérateur met par exemple en avant une « augmentation très significative » du nombre de travailleurs handicapés, passés de 38 collaborateurs en 2003 à 207 en 2011. La performance est honorable, mais doit cependant être relativisée : les effectifs totaux de Bouygues Telecom ont augmenté sur cette même période et les personnes handicapées ne représentent encore aujourd’hui que 2,2 % des salariés. En outre, d’autres entreprises du même secteur parviennent à des scores plus élevés.