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Les PME toujours à la traîne

Pratiques | publié le : 24.05.2011 | SÉVERINE CHARON

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Les PME toujours à la traîne

Crédit photo SÉVERINE CHARON

Exclues de l’obligation de négocier la future prime « Sarkozy », les PME de moins de 50 salariés sont rares à proposer à leur personnel des dispositifs de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale. Les incitations ont eu peu d’effets sur leurs patrons, rebutés par la complexité du sujet.

Le partage des bénéfices reste décidément un sujet dans les entreprises de moins de 50 salariés. Déjà exclues de l’obligation de participation, ces PME, qui emploient plus de 2,3 millions de personnes, ne seront pas contraintes de négocier la future prime “Sarkozy” quand elles versent des dividendes à leurs actionnaires. Or, dans ces structures, 84 % des salariés n’ont droit à aucun dispositif de participation, d’intéressement ni d’épargne salariale (étude Dares d’octobre 2010). Des dispositifs qui bénéficient pourtant à 92 % des salariés des entreprises de plus de 500 personnes. Dans les PME de moins de 50 salariés, la participation ne concerne que 4 % d’entre eux.

Les plans d’épargne pour la retraite collective (Perco) sont tout aussi rares. À peine 10 % disposent d’un plan d’épargne d’entreprise (PEE). Le plus prisé, l’intéressement, ne concerne que 24 % des effectifs des PME de 20 à 49 salariés, et 12 % de celles de 10 à 19 salariés. Quant aux plans interentreprises, qui devaient être la solution pour développer l’épargne salariale, ils n’ont pas rencontré le succès escompté (lire encadré).

Les moyennes entreprises guère mieux loties que les petites

Les salariés ne sont pas extrêmement mieux lotis dans les PME de plus de 50 personnes. Certes, l’obligation de participation s’applique. Mais l’intéressement et le PEE concernent seulement 30 % des personnels dans les PME de 50 à 99 salariés, 40 % dans les PME de 100 à 249 salariés et 50 % dans les PME de 250 à 499 salariés.

Pourquoi ces dispositifs, omniprésents dans les grandes structures, tardent-ils tellement à se développer dans les PME ? Le problème ne vient pas de l’indifférence des partenaires sociaux. Les représentants patronaux sont même convaincus de leur intérêt : la CGPME a d’ailleurs organisé en 2010 un Tour de France de l’intéressement, suivi d’une douzaine de réunions en région parisienne au premier trimestre 2011.

Bien sûr, l’argument financier ne peut pas être écarté d’un revers de main : « Il y a un lien direct entre situation économique et développement de l’épargne salariale, et nombre de PME sont des sous-traitants, particulièrement malmenés ces dernières années », rappelle Martine Tessières, présidente du directoire du gestionnaire d’épargne salariale Interexpansion (groupe paritaire Humanis).

Toutefois, l’entreprise a de la latitude et peut maîtriser les coûts de ces dispositifs. Le versement de l’intéressement se fait selon des critères précis. Par ailleurs, la mise en place d’un PEE ou d’un Perco pour autoriser la défiscalisation des sommes versées ne coûte rien sinon les frais de tenue de compte (de l’ordre de 10 à 15 euros par compte et par salarié), s’il n’y a pas d’abondement.

De l’avis général, le coût de ces dispositifs n’est pas le vrai problème. C’est avant tout la complexité qui rebute le plus les PME. « Depuis l’ordonnance du 21 octobre 1986, qui a redonné le départ de l’épargne salariale, on a quasiment un texte tous les ans. Les règles du jeu sont modifiées en permanence », regrette Gilles Briens, avocat associé du Cabinet Fromont, Briens & Associés. L’avocat voit dans cette instabilité « le principal frein au développement de l’épargne salariale dans les PME ». Et ce d’autant plus que les textes successifs sont synonymes de renchérissement : créé en 2009 avec un taux de 2 %, le forfait social a été relevé à 4 % en 2010 puis à 6 % en 2011.

Absence de responsables des RH

Qui dit PME dit aussi équipe dirigeante réduite. Dans les petites structures, pas de compensation & benefits manager. Et souvent pas de responsable RH ! La mise en place d’un dispositif d’épargne salariale ou d’intéressement relève donc à la fois de la volonté du dirigeant de s’engager dans cette voie et de la disponibilité d’un responsable qui mènera le projet, qu’il s’agisse de la personne en charge de la gestion du personnel ou du directeur administratif et financier, deux fonctions déjà largement mobilisées par l’urgence des tâches quotidiennes.

Enfin, l’idée d’ouvrir d’énièmes négociations peut aussi décourager, alors que le patron de la PME et l’éventuel DRH ont parfois conscience que certains délégués syndicaux seront appuyés par des conseillers fédéraux largement plus aguerris qu’eux sur le sujet.

En général, les patrons de PME choisissent de se faire aider par des spécialistes (consultants, avocats, courtiers, etc.). Ainsi, au cours du premier trimestre 2011, l’entreprise Forbo – revêtements de sols –, a utilisé les services d’un consultant pour remettre à plat son PEE et proposer aux 370 salariés trois niveaux complémentaires d’épargne salariale : intéressement, participation, Perco.

Un besoin d’assistance par des spécialistes

Benard Felsenburg, le DRH, reconnaît qu’il n’était pas compétent sur cette question : « Ce ne sont pas des sujets simples, je me suis donc fait assister par un spécialiste du sujet, payé à la journée. Le coût de la prestation a le mérite de la transparence, par rapport à des frais prélevés ultérieurement sur les frais de gestion. »

Du côté des gestionnaires d’épargne salariale, « se déplacer pour aller démarcher une PME, c’est un pari financier », souligne Martine Tessières. Pour cette raison, la distribution de produits d’épargne salariale vers les PME a longtemps été l’apanage des banques, fortes de réseaux commerciaux puissants, qui pariaient sur les ventes croisées pour rentabiliser leur relation commerciale. Mais, dans ce cas, le contact de la PME en matière de PEE et de Perco s’est souvent limité au chargé de compte habituel.

« Trouver l’interlocuteur et le dispositif adapté peut relever du casse-tête. Pour avoir les informations nécessaires, il faut frapper à plusieurs portes, et nombre de PME se découragent », confirme Bertrand Chassaigne à la direction commerciale de l’épargne retraite entreprise d’Axa France. L’assureur a du coup constitué une direction unifiée, promettant à l’entreprise un interlocuteur unique capable de répondre à la fois aux entrepreneurs et aux salariés sur la totalité des produits d’épargne.

Certains prestataires s’efforcent aussi de développer des produits qui rendent l’épargne salariale plus accessible. Ainsi, Groupama a développé avec Accor Services le ticket Tesorus, transposition du titre restaurant dans l’épargne salariale. Le succès de cette offre est mitigé en termes d’entreprises adhérentes, mais c’est une réussite dans les entreprises qui l’ont adoptée, puisque 70 % des salariés ayant reçu leur chéquier investissent dans leur plan d’épargne, contre seulement 20 % à 30 % avec un autre dispositif.

Pour aider à la communication vers les salariés, Natixis Interépargne a créé début 2011 un avatar, Thomas, qui présente l’épargne salariale sur un site ouvert à tous (www.simplecommelepargnesalariale.com). Ce conseiller virtuel permet aux PME clientes de Natixis de créer une vidéo paramétrée en fonction des caractéristiques du dispositif propre à l’entreprise.

Le hic de ces initiatives ? « Le gestionnaire d’épargne salariale communique et informe en priorité sur les produits qu’il cherche à mettre en place. L’intéressement, qui est pour nous le dispositif essentiel, reste pour lui un sujet un peu connexe », juge Stéphane Huillet, membre de la commission sociale de la CGPME. « L’intéressement est un outil de management qui permet de motiver les équipes autour d’objectifs précis. Il devrait au contraire devenir une priorité pour les PME », conclut-il.

L’essentiel

1 La complexité des dispositifs liés à l’épargne salariale et les incessantes modifications légales et réglementaires rebutent les PME.

2 Ces petites structures n’ont pas forcément un responsable RH qui puisse prendre en charge le projet.

3 Les acteurs de l’épargne salariale s’efforcent d’adapter leur offre, mais se focalisent sur le PEE et le Perco, alors que les PME attendent plutôt des conseils globaux incluant l’intéressement.

Les plans interentreprises doivent encore convaincre

Les PEE et Perco interentreprises (PEI et Percoi) peuvent-ils favoriser le développement de l’épargne salariale, comme c’est le cas en santé et en prévoyance ? Les avis divergent, notamment parce que ces accords sont facultatifs. Pour Pierre Havet, animateur du groupe de travail “épargne salariale” à l’ANDRH, c’est une voie à explorer : un accord « disponible sur l’étagère », mis sur pied par négociation entre partenaires sociaux, peut effectivement inciter les PME à se lancer.

Pourtant, les plans interentreprises existants n’ont pas tous eu de succès. Parmi les déceptions, les PEI et Percoi territoriaux, ainsi que la plupart des accords de branches. Conclu en 2005, celui de la coiffure n’a pas rencontré l’adhésion des entreprises.

Au nombre des rares succès, la branche des industries électriques et gazières (IEG), où la signature d’un accord en décembre 2008 a permis l’adhésion de plus de 25 entreprises qui ne faisaient pas partie des grands groupes du secteur – déjà équipés –, et surtout la branche du BTP. Avant la mise en place du premier plan interprofessionnel en 2003, le pôle épargne salariale de Pro BTP enregistrait de l’ordre de 300 à 350 nouvelles adhésions par an, indique Jean-François Dornier, en charge de l’épargne salariale au sein du groupe professionnel. Depuis son démarrage, 1 000 à 2 000 PME se lancent tous les ans, appréciant ce dispositif qui lève l’insécurité juridique.

La commercialisation du PEI-Percoi chimie, qui a débuté en 2010 dans les régions avec le soutien des unions patronales et des organisations syndicales, s’annonce également prometteuse. « Cela a permis la concrétisation avec six grosses PME », précise Martine Tessières, présidente du directoire du gestionnaire d’épargne salariale Interexpansion (groupe paritaire Humanis). Deux expériences volontaristes qui démontrent que les plans interentreprises peuvent convaincre, dès lors que les partenaires sociaux d’une branche assurent activement leur promotion.

Auteur

  • SÉVERINE CHARON