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AllemagneL’OUVERTURE DU MARCHÉ DU TRAVAIL INTENSIFIE LE DÉBAT SUR LE SALAIRE MINIMUM

Pratiques | International | publié le : 24.05.2011 | MARION LEO

Selon les syndicats, l’ouverture complète aux travailleurs d’Europe de l’Est, le 1er mai, va exercer une pression à la baisse sur les salaires. Ils réclament de nouveau l’introduction en Allemagne d’un salaire minimum légal généralisé.

Depuis le 1er mai dernier, les ressortissants des 8 pays d’Europe de l’Est (Pologne, République tchèque, Hongrie, Slovénie, Slovaquie, Lituanie, Lettonie et Estonie) ayant rejoint l’Union européenne en 2004 ont enfin le droit de venir travailler sans restriction outre-Rhin. L’Allemagne est ainsi, avec l’Autriche, l’un des derniers pays à avoir levé ses restrictions à la libre circulation des travailleurs venus de l’Est. Selon de nombreux experts, proches du patronat, cette ouverture a lieu trop tard et le chancelier de l’époque, Gerhard Schröder, en imposant ce délai de carence de sept ans, a rendu un piètre service à son pays. L’Allemagne souffre en effet d’une pénurie croissante de main-d’œuvre qualifiée, en particulier d’ingénieurs. Or la “guerre des talents” bat déjà son plein en Europe : les meilleurs spécialistes d’Europe de l’Est auraient déjà quitté leur pays, il y a sept ans, pour s’installer en Grande-Bretagne, en Irlande ou en Espagne.

Pour les syndicats, l’ouverture complète du marché du travail s’accompagne, au contraire, de risques de dumping salarial. Ainsi, à l’occasion des traditionnels défilés du 1er mai, Michael Sommer, président de la Confédération des syndicats allemands (DGB), a enfourché son cheval de bataille de la création d’un salaire minimum interprofessionnel : « Les travailleurs polonais, tchèques, slovaques ou des pays baltes sont les bienvenus ! », a-t-il rappelé, pour mieux mettre en garde contre la position des employeurs qui verraient en eux un « réservoir de main-d’œuvre » à bon marché : « Ils veulent exploiter ces gens en leur versant des paies de misère et, par ce biais, continuer à tirer les salaires vers le bas. » Pour y parer, les syndicats réclament depuis plusieurs années un salaire minimum légal généralisé, de 8,50 euros l’heure.

Des minima négociés par secteur

Car l’Allemagne est l’un des rares pays d’Europe à ne pas disposer d’un smic. Elle a choisi de privilégier la création de minima négociés par secteur. A l’heure actuelle, une dizaine de secteurs sont dotés d’un salaire minimum de branche (dont le bâtiment, le nettoyage industriel, le recyclage, les soins, l’intérim depuis le 1er mai 2011 et, à compter du 1er juin, la surveillance). La mise en place de ces salaires résulte à chaque fois d’une longue procédure. Après la négociation entre partenaires sociaux, l’accord est soumis au ministère du Travail et examiné par une commission sur les salaires, composée de représentants du gouvernement, des syndicats et des employeurs. Si l’accord a bien été conclu par des partenaires sociaux représentant plus de 50 % des salariés du secteur, le gouvernement peut alors l’étendre à toutes les entreprises de ce secteur, qu’elles aient leur siège en Allemagne ou à l’étranger. Le décret d’extension étant limité à quelques années, toute la procédure doit être recommencée à intervalles réguliers.

Un modèle spécifique

Selon Ursula von der Leyen, ministre de l’Emploi, ce modèle spécifique à l’Allemagne est préférable à la mise en place d’un salaire minimum universel, car il permet de mieux tenir compte des particularités de chaque branche. « Cette façon très allemande de concevoir un salaire minimum constitue, selon moi, un signe typique de l’économie sociale de marché », a souligné la ministre conservatrice (CDU).

Mais, pour les syndicats, ce modèle ne suffit pas : seule une partie des travailleurs (environ 3,7 millions sur une population de 28 millions de salariés) sont protégés par ces salaires, et les salaires planchers ne sont pas toujours respectés. A l’occasion de l’ouverture du marché du travail, Ursula von der Leyen a annoncé un renforcement des contrôles contre le dumping salarial et le travail au noir. Mais la ministre, qui attend l’arrivée outre-Rhin d’environ 100 000 travailleurs d’Europe de l’Est chaque année, en demeure convaincue : l’ouverture du marché de l’emploi comporte « davantage d’opportunités que de risques, car ce sont les jeunes, les personnes mobiles et qualifiées qui viennent, et ce sont justement ces personnes qui sont recherchées actuellement en Allemagne ».

Auteur

  • MARION LEO