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« LE DIF PORTABLE N’EST PAS UNE SOLUTION SUFFISANTE »

enquête | publié le : 24.05.2011 | L. G.

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« LE DIF PORTABLE N’EST PAS UNE SOLUTION SUFFISANTE »

Crédit photo L. G.

E & C : Observe-t-on dans les entreprises de vraies politiques du DIF, ou plutôt une gestion au coup par coup ?

J.-P. W. : L’étude menée par Demos* démontre que la vraie politique DIF est minoritaire, mais elle est pleine d’innovations et très diversifiée. Quant au coup par coup, il reste dominant et n’a rien d’innovant. On constate également que le DIF ne génère qu’un faible contentieux, qui est sans doute lié à sa faible utilisation, au fait que la formation d’une manière générale n’est pas source de conflit, parfois faute d’intérêt. Le DIF n’est que la modalité d’un moyen – la formation – au service d’un objectif. Cette modalité invite à la négociation et au dialogue. Pour que le DIF se développe, il faut donc soit un contexte favorable à la formation en général comme moyen d’atteindre des objectifs, soit la volonté de développer la négociation et le dialogue social. Pour l’instant, le développement du DIF ne s’est pas fait majoritairement sur ces logiques, mais sur la crainte d’un risque – les compteurs –, ou sur un effet d’aubaine financier – financement Opca. La réduction des financements du DIF par les Opca – en tant que tel, mais on peut basculer sur les autres dispositifs – est paradoxalement une bonne nouvelle. En réduisant la logique financière, et avec la crainte de l’explosion des compteurs qui se dissipe, on revient à la réalité : soit l’entreprise trouve un usage pertinent du DIF, soit elle ne s’en occupe pas. Idem pour les salariés : soit la formation présente un intérêt pour eux et ils sont demandeurs, soit le DIF n’est pas leur problème. Arrêtons de promouvoir des dispositifs, faisons la promotion des objectifs qu’ils peuvent permettre d’atteindre, ce qui suppose de changer la communication des RH vers les managers et des Opca vers les entreprises.

E & C : Les managers ne jouent pas le rôle central que l’on attendait d’eux dans la mise en œuvre du DIF, assure l’enquête Demos. Pourquoi ?

J.-P. W. : La technicité du dispositif, le poids des questions de financement, le fait que les formations demandées soient plutôt transverses que cœur de métier et qu’elles ressortent davantage de la gestion RH que managériale… Mais en parallèle, on assiste à une simplification des procédures de demandes de DIF dans les entreprises.

Plus fondamentalement, je pense qu’il y a un reflux de la mode “manager, premier RH”. Pour de multiples raisons : la surcharge de travail des managers, le fait que les RH et la formation sont de vrais métiers et qu’il est difficile de transférer cette technicité sur ceux dont ce n’est pas la fonction principale. Le défaut d’investissement du manager est évident lorsqu’on lui vend du DIF pour du DIF ou pour baisser les compteurs, sans faire l’effort de voir en quoi la formation peut lui rendre service et lui permettre d’atteindre ses propres objectifs : c’est-à-dire en l’inscrivant dans une logique descendante (tu dois mettre en œuvre le DIF) sans s’intéresser à ses propres priorités, conditions d’activité et sources de motivation. Ce n’est donc pas la peine de stigmatiser les managers en disant qu’ils sont étanches au développement des compétences et défaillants dans leur management, mais peut-être faudrait-il inciter les RH à mieux penser la manière dont ils tentent d’articuler leur action avec celle des managers.

E & C : Les entreprises et les salariés se sont peu emparés du DIF portable, les demandeurs d’emploi commencent à le faire. Est-ce dû à un manque d’information, à un manque de procédure avec Pôle emploi ?

J.-P. W. : Pourquoi les salariés et les entreprises ne consacrent-ils pas une énergie folle à tenter de bénéficier d’un dispositif qui peut rapporter quelques centaines d’euros pour financer une formation qui vaut dix fois plus cher ? Mettons la portabilité à 30 euros de l’heure et on verra les dormeurs se réveiller. C’est un vieux principe juridique : « Pas d’intérêt, pas d’action ».

E & C : Le DIF portable est-il une première marche vers la sécurisation des parcours des individus ou seulement une manne financière de plus pour les entreprises et Pôle emploi ?

J.-P. W. : Les deux à la fois. Un travail en commun et un effet d’aubaine ou d’opportunité. Mais pour l’instant, et selon ma réponse précédente, l’enjeu n’est pas suffisamment important pour que toutes les parties se mobilisent. Le DIF portable n’est pas une solution suffisante et, du coup, il va être davantage géré comme un cofinancement mécanique que comme un outil de coopération autour de la sécurisation des parcours.

* <www.demos.fr/fr/infos-pratiques/pages/ actualite.aspx ? NewsId = 21>

Auteur

  • L. G.