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Adhésion à une CRP et contestation du motif économique de rupture

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 24.05.2011 |

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Adhésion à une CRP et contestation du motif économique de rupture

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Dans les entreprises non soumises à l’obligation de mettre en place un congé de reclassement, l’employeur est tenu de proposer à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique le bénéfice d’une convention de reclassement personnalisé (CRP) (art. L 1233-65 et L 1233-67 C. Tr.).

En cas d’adhésion du salarié à la CRP, son contrat de travail est réputé rompu d’un commun accord entre les parties. L’adhésion à une CRP n’interdit pas au salarié de contester ultérieurement le motif économique à l’origine de la proposition. (Cass. soc. 5 mars 2008, n° 07-41964 ; Cass. soc. 27 mai 2009, n° 08-43.137.)

Dans un arrêt du 19 janvier 2011, la Cour de cassation précise que le salarié n’étant pas privé du droit de contester la cause réelle et sérieuse de la rupture de son contrat de travail, l’employeur pourra être sanctionné s’il méconnaît l’obligation de reclassement préalable à laquelle il est tenu (n° 09-43524).

L’obligation de reclassement préalable fait partie intégrante du caractère réel et sérieux du motif économique. Ainsi, l’employeur qui ne peut justifier de proposition de reclassement, dans l’entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient, antérieure à la rupture du contrat de travail, qu’elle soit prévue ou non dans un plan de sauvegarde de l’emploi, s’expose à se voir condamné à verser au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La même condamnation sera encourue notamment en cas de méconnaissance par l’employeur de l’obligation de déterminer et de mettre en œuvre l’ordre des licenciements.

Le formalisme d’un écrit reste exigé. Si le contrat de travail est réputé rompu d’un commun accord, l’employeur reste tenu d’énoncer par écrit les raisons économiques motivant la proposition de la CRP et à l’origine de la rupture.

La Cour de cassation apporte les éclairages suivants : les motifs économiques doivent être notifiés au salarié, soit dans une lettre de licenciement, soit dans tout autre document écrit ; celui-ci doit être adressé ou remis au salarié au moment de la remise de la CRP ou après, mais au plus tard le jour de l’acceptation de la CRP par le salarié. (Cass. soc. 14 avril 2010, n° 09-40987.)

L’employeur doit-il également énoncer dans ce document l’incidence du motif économique sur l’emploi du salarié ou sur son contrat de travail ? En d’autres termes, la jurisprudence relative au contenu de la lettre de licenciement, imposant à l’employeur de mentionner non seulement les raisons économiques fondant sa décision mais également la conséquence sur l’emploi ou sur le contrat de travail, est-elle transposable au contenu de la lettre remise au salarié adhérant à une CRP ? A notre connaissance, la Cour de cassation n’a pas tranché cette question.

Imposer un tel formalisme peut sembler inutile ou impropre, dans la mesure où la conséquence résulte des termes même de la loi : le contrat est réputé rompu d’un commun accord.

Les arrêts rendus à ce jour n’imposent nullement de préciser l’incidence sur l’emploi du salarié en cas d’adhésion à la CRP. Ils rappellent uniquement que, dans le cas d’une rupture du contrat de travail résultant de l’acceptation par le salarié d’une CRP, le juge doit vérifier que cette rupture a une cause économique réelle et sérieuse, en se référant au motif énoncé, soit dans le document écrit – qui doit être obligatoirement remis à tout salarié concerné par un projet de licenciement pour motif économique – soit dans la lettre de licenciement.

La question reste toutefois ouverte : le défaut de mention de l’incidence sur l’emploi du salarié ouvre-t-il droit à l’allocation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Bettina Sion, avocate à la Cour, spécialiste en droit social, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.