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« Le critère de pathologie reconnue est insuffisant »

L’actualité | publié le : 26.04.2011 | LAURENT POILLOT

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« Le critère de pathologie reconnue est insuffisant »

Crédit photo LAURENT POILLOT

E & C : Que vous inspire la disposition de la loi de réforme des retraites, consistant à relier le départ anticipé à un taux d’incapacité ?

S. V. : Elle m’a rendu perplexe. Depuis la loi Fillon de 2003, les discours gouvernementaux avaient laissé entendre que les dispositifs de pénibilité s’attacheraient à repérer les expositions professionnelles, c’est-à-dire les caractéristiques du travail ayant pour conséquence de dégrader la retraite des gens, soit dans la durée, soit dans la qualité de leur vie. Or on a réinvité, dans les débats préparatoires à la loi, des questions d’incapacité différentes de celles des expositions – aux toxiques professionnels, au travail de nuit, aux gros efforts physiques. Même si, à son départ, un salarié apparaît en bonne santé, il peut subir ensuite des effets de son exposition différés de manière importante. L’exemple de l’amiante est emblématique. En outre, n’admettre que les pathologies professionnelles reconnues n’est pas cohérent. Prenez le travail alternant et de nuit. Il n’est toujours pas assimilé aux pathologies professionnelles reconnues, alors qu’on sait qu’il constitue un facteur potentiel de raccourcissement de la durée de vie.

E & C : Que penser de l’obligation, pour un salarié en incapacité d’au moins 10 %, d’apporter la preuve de 17 ans d’exposition ?

S. V. : J’ignore comment cela sera mis en œuvre. Il n’est pas choquant de reconstituer, sur la base de critères collectifs d’exposition, le parcours et les conditions de travail d’une personne qui peut avoir connu plusieurs employeurs. Ce qui me choque, c’est d’appeler à une approche individualisée de la santé.

E & C : La charge mentale peut-elle être invoquée pour un départ anticipé ?

S. V. : Cette notion recouvre une acception large. La justification courante de la pénibilité est que le travail est vécu comme pénible. Pour diverses raisons, elle peut se traduire par des aspirations à partir au plus tôt. Or, en l’état des connaissances scientifiques, rien n’établit que les caractéristiques de mal-être psychique ont une influence sur la santé au grand âge et sur l’espérance de vie. Les dispositifs d’inaptitude ou d’invalidité permettent de quitter la vie professionnelle ; on peut envisager qu’ils s’accompagnent de ressources convenables. Toutefois, même s’il s’agit d’un enjeu majeur de santé au travail, la bonne réponse n’est pas le départ anticipé. Elle concerne davantage des aménagements du poste, du temps et de l’organisation de travail, ou des itinéraires professionnels mieux pensés.

Auteur

  • LAURENT POILLOT