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Je t’aime, moi non plus

Enquête | publié le : 12.04.2011 | L. G.

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Les “mariages” possibles

Crédit photo L. G.

Eclatement d’Opca interbranches, surenchère à l’accueil… : le mercato des Opca vire à la crise de nerfs.

Qui se marie avec qui ? Pourquoi ? Les réponses à ces questions sont encore loin d’être stabilisées, car la refonte des Opca lancée par la réforme de la formation entraîne des crises aiguës dans le paritarisme, à l’origine de la création des organismes paritaires collecteurs agréés et qui les gère depuis. Les fractures sont multiples : entre syndicats d’employeurs et de salariés ; entre branches professionnelles à l’intérieur d’un même Opca ; au sein de certaines branches… et on assiste même à des tensions entre salariés des appareils et responsables politiques. Beaucoup d’interlocuteurs confient que « les avis changent toutes les semaines ».

Agefos-PME

Agefos-PME restera très probablement le premier Opca de France. La pêche et les cultures maritimes (Faf Pêche et CM) lui sont acquises depuis un moment. Les secteurs des industries graphiques, imprimeurs et éditions (Opca CGM) devraient la rejoindre également, mais une négociation entre l’Afdas (spectacle vivant, audiovisuel, publicité…) et la partie éditions pourrait changer la donne.

Le matériel agricole (Agefomat) lui semble également rallié, même si l’Anfa (Opca des services à l’automobile, qui atteint tout juste les 102 millions d’euros) ne serait pas mécontente de l’accueillir.

Le périmètre d’Agefos-PME pourrait encore grossir en rassemblant une multitude de branches orphelines. La perspective d’une Agefos-PME atteignant le milliard de collecte n’est pas à exclure. Elle est en embuscade pour récupérer les morceaux de l’Opcad (commerce et artisanat de l’alimentaire), car la branche du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie, produits laitiers a déjà décidé de la rejoindre. Il en est de même pour les courtiers de l’assurance qui devraient quitter Opcassur. Par ailleurs, elle propose ses services à l’hospitalisation privée (FormaHP), aux artisans de l’Opcams (artisanat des services, coiffeurs…), à la presse écrite (Mediafor) et au Crédit agricole (GDFPE, lire p. 36).

En revanche, la mauvaise nouvelle pour Agefos-PME serait un départ des experts-comptables volant au secours d’Opca PL, l’Opca des salariés des professions libérales, qui flirte à peine avec les 100 millions. Les experts-comptables… savent compter et sont des stratèges : ils pèsent 30 millions d’euros et renouvellent leur adhésion tous les deux ans au prix fort, touchant en retour environ deux fois leur collecte. Sachant qu’ils sont extrêmement prescripteurs dans les PME-TPE, public majeur de l’Agefos-PME, le premier Opca de France fera tout pour les garder, surtout si Opcalia leur fait les yeux doux.

Opcaim

L’Opcaim de la métallurgie s’est retiré sur l’Aventin et, fort de ses 620 millions d’euros, intervient finalement peu dans le débat, même si, à plus ou moins long terme, il verrait bien la création d’un grand Opca de l’industrie.

Opcalia

Opcalia est dans une situation potentiellement encore plus expansionniste qu’Agefos-PME. Dans le tableau, le nombre de ses mariages possibles est minimisé. Le secteur de la propreté (FAF Propreté) devrait effectuer le même choix que le textile-cuir-habillement (Forthac) : s’abriter dans un grand ensemble pour préparer une possible seconde vague de concentration dans les années à venir. L’enseignement privé (EFP) reste partagé, car certains des syndicats de salariés opteraient bien pour Uniformation, mais les syndicats d’employeurs sont attirés par Opcalia.

Le gros potentiel de croissance d’Opcalia réside du côté de deux Opca de branches importants, mais le patronat relevant du Medef hésite sur le choix à faire : l’assurance (Opcassur) et les banques (Opca-banques, lire ci-dessous). Cette logique d’hébergement par un grand pourrait également jouer pour d’autres branches Medef, comme celles des télécoms (Auvicom). Par ailleurs, comme Agefos-PME, Opcalia propose ses services à toutes les branches potentiellement orphelines.

Unifaf

Unifaf, très important Opca du secteur associatif médico-social, est hors mercato.

Opca Construction

L’Opca de la construction est annoncé depuis plusieurs mois maintenant, reste à en parfaire les règles de fonctionnement interne et l’équilibre des pouvoirs entre FNB, FNTP et Capeb.

Uniformation

Uniformation, Opca de l’économie sociale, pourrait presque doubler de taille avec les arrivées probables du Faf Sécurité sociale et d’Habitat Formation (acteurs de la ville), voire du Crédit agricole (GDFPE). Uniformation rénove actuellement ses statuts pour les accueillir.

Forco-Fafiec

Le Forco (commerce) et le Fafiec (ingénieurs, études…), forts de leurs 280 et 200 millions de collecte, sont hors mercato.

Opca Défi

L’Opca Défi réunira Opca C2P (pétrole, chimie, labos pharmaceutiques) et Plastifaf (plasturgie); reste à le construire totalement en termes de rapprochement des équipes.

Fafsea

L’agriculture réunie au sein du Fafsea reste un monde à part. Adossée à la FNSEA, c’est une puissance politique en tant que telle. A un moment, certains ont bien rêvé rassembler l’agriculture et l’agroalimentaire pour construire l’Opca de “la fourche à la fourchette”, mais cette logique de filière n’a pas pris, vu les antagonismes entre acteurs. En revanche, l’agriculture a su convaincre le secteur de la graineterie-jardinerie de quitter l’Agefos-PME pour la rejoindre, ce qui ne s’est pas fait sans frictions.

Agefaforia-Opca2

L’agroalimentaire, justement, rapproche ses deux Opca, Agefaforia et Opca2. Cet attelage est le seul du tableau à présenter des masses aussi bien en termes financiers que d’emploi quasiment à 50/50 dans et hors champ. La répartition des pouvoirs internes est à clarifier.

Intergros-Opca transports-Afdas-Faf-TT-Fafih

Intergros (Opca du commerce de gros), Opca Transports et Afdas (spectacle vivant, audiovisuel, publicité…) dépassent facilement chacun les 100 millions de collecte et sont hors mercato. Le FAF-TT (travail temporaire), et le Fafih de l’industrie hôtelière sont dans une situation similaire, même s’ils sont moins nettement au-dessus du seuil fatidique.

Opca 3 +

Opca 3 +, qui réunit les matériaux, le papier-carton et le bois, est l’attelage parti le plus rapidement, dès l’annonce de la restructuration des Opca. Surnommé l’“Opca trois puces”, il dépasse les 105 millions de collecte et a regroupé ses forces depuis le 31 janvier 2011 : 53 salariés en central, 40 en région ; constitution d’une délégation de gestion patronale AG3 + ; répartition des sièges en cours ; travail sur l’harmonisation des versements conventionnels et des reversements au FPSPP ; renforcement de sa présence en région…

Anfa

L’Anfa, Opca des services à l’automobile, dépasse juste les 100 millions de collecte et verrait d’un bon œil l’arrivée des 24 millions d’euros de la branche du matériel agricole (Agefomat). Mais il est en concurrence sur ce dossier avec Agefos-PME, voire Opcalia.

Opca PL

L’Opca des salariés des professions libérales atteindra certainement la barre des 100 millions en augmentant une contribution conventionnelle, ou avec le seul moteur de l’augmentation des masses salariales. Surtout, il a les faveurs des organisations syndicales de FormaHP (hospitalisation privée), alors que les employeurs optent plutôt pour Agefos-PME. Là aussi, une négociation interne s’engage.

FormaHP

L’hospitalisation privée précisément, dont le collecteur FormaHP fait partie des huit en dessous de la barre des 100 millions et sans mariage à ce jour. La proximité des métiers aurait pu la rapprocher de l’ANFH, association paritaire de la fonction publique hospitalière, qui assure la gestion et la mutualisation des fonds versés au titre de la formation continue par l’ensemble des établissements sanitaires, médico-sociaux et sociaux publics adhérents. Mais l’évidence métier bute sur la logique de marché. En ce sens, faire cohabiter le privé et le public du médical est un tour de force. FormaHP ne manque pas de prétendants (Agefos-PME, OpcaPL) et est en bonne position pour faire monter les enchères.

Opcassur-Opca-Banques-Auvicom

Depuis des mois, les informations autour du trio Opcassur-Opca Banques-Auvicom (télécommunications) font débat. Mariage à deux ? A trois ? Ni l’un ni l’autre ? Assurance et banque ne veulent pas d’un tête-à-tête. L’assurance aurait bien vu un rapprochement avec les télécoms. En termes de métiers, l’union étonne. En termes de pratiques financières, elle défend des points communs : peu de plan, gestion de la professionnalisation.

Face à l’incertitude, l’intersyndicale banque-assurance a pris position il y a deux semaines pour le regroupement des deux Opca hors du giron d’Opcalia, dénonçant « unanimement les atermoiements des fédérations d’employeurs, incapables jusqu’à aujourd’hui de s’entendre sur le processus de négociation nécessaire, malgré la proximité des échéances réglementaires », et déplorant « l’irrationalité et l’inconséquence, eu égard à l’objectif poursuivi ». Cette prise de position l’emportera-t-elle ? En cas d’échec, l’option Opcalia pourrait alors s’imposer.

GDFPE-Agecif Cama

GDFPE-Agecif Cama (Crédit agricole et mutualité agricole) semble hésiter entre Agefos-PME (option patronale) et Uniformation, Opca de l’économie sociale (option syndicale), qui a l’habitude de gérer du CIF : une négociation interne s’engage.

Opcad

L’Opcad (commerce et artisanat de l’alimentaire) vit une situation de déchirement. La branche du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie, produits laitiers a décidé de rejoindre Agefos-PME ; les coopératives pourraient rallier Opcalia ; la boulangerie est attirée par Agefaforia ; alors que les artisans bouchers et charcutiers ne veulent pas en entendre parler, car ce serait synonyme pour eux de mise en coupe réglée par l’industrie agroalimentaire.

Cette situation est due aussi à l’échec de la construction d’un Opca de l’artisanat autour de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Cette construction aurait pu réunir Opcad, Opcams (artisanat non alimentaire) et Fafsab (artisanat du bâtiment), et peser environ 150 millions d’euros. Mais la Capeb, fédération d’employeurs artisans du bâtiment, a choisi de rallier la logique métier du secteur de la construction (Opca Construction), plutôt que la logique statutaire.

Opcams

Cette situation laisse également Opcams (commerce et artisanat non alimentaire, dont le secteur de la coiffure pèse 60 % de la collecte) dans une position difficile. Il est en négociation avec Agefos-PME et OpcaPL.

Mediafor

L’Opca de la presse écrite hésite entre Afdas et Agefos-PME et devrait se décider avant l’été.

On le voit, les jeux ne sont pas encore faits et beaucoup de surprises peuvent survenir d’ici au 1er septembre 2011, date à laquelle les uns et les autres doivent avoir indiqué leur choix à la DGEFP.

Mercato : les points de tension

Pour quelles raisons le mercato des Opca crée-t-il tant de tensions ? Parce qu’au-delà des affaires d’ego de certains administrateurs, il touche à des points extrêmement sensibles et complexes :

→ L’autonomie de gestion des fonds : les partenaires sociaux des Opca appelés à « disparaître » veulent continuer à avoir la main sur l’usage de leurs fonds plan, professionnalisation et CIF, avant de tomber dans un pot commun.

→ L’accès à la péréquation financière du FPSPP pour les fonds professionnalisation : 50 % des fonds professionnalisation doivent financer des contrats de professionnalisation (avec un tarif plafonné, un nombre d’heures minimal…) pour avoir accès à la péréquation financière inter-Opca gérée par le FPSPP. Certains Opca en font un principe fondamental de fonctionnement, d’autres s’en passent. L’arrivée d’un Opca non bénéficiaire de cette péréquation dans un ensemble traditionnellement bénéficiaire peut être destructeur. Dans un sens ou dans l’autre, le choix peut entraîner des changements très importants dans les politiques formation.

→ La TVA : c’est une question financière aussi importante que la précédente. Certains Opca y sont assujettis, d’autres pas, d’autres partiellement. Le rapprochement de deux structures peut buter sur cette question. De plus, le ministère du Travail et celui des Finances n’ont pas le même avis sur la question.

→ Le devenir des personnels : la DGEFP assure que les personnels des Opca ne doivent pas pâtir des rapprochements. Mais certains Opca demandent à d’autres de faire le ménage avant de les rejoindre. La reprise des personnels devient un point majeur des discussions inter-Opca.

→ La représentativité du paritarisme : la connexion entre réforme de la formation et réforme de la représentativité des partenaires sociaux interviendra forcément dans les années à venir et aura des conséquences sur la désignation des futurs gestionnaires de ces instances financières. Depuis que la restructuration des Opca est lancée, les partenaires sociaux se demandent quel est le meilleur moyen de peser aujourd’hui pour exister demain.

Auteur

  • L. G.