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Une égalité difficile mais pas impossible

Enquête | publié le : 01.03.2011 | EMMANUEL FRANCK

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Une égalité difficile mais pas impossible

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

La loi sur l’égalité salariale de mars 2006 avait l’ambition de supprimer les écarts de salaire entre les hommes et les femmes. Seules quelques entreprises y sont parvenues. Les pouvoirs publics veulent désormais faire travailler les entreprises sur la mixité dans les instances dirigeantes et sur un meilleur équilibre des responsabilités familiales.

La suppression des écarts de salaires entre les hommes et les femmes est une tâche difficile mais pas impossible. Quelques rares entreprises y sont parvenues, comme EDF, Axa ou Seb. D’autres y travaillent : Total, LCL ou Alcatel, qui vient de finaliser un accord sur l’égalité salariale. EDF SA est l’une de celles qui a obtenu les meilleurs résultats, puisque l’écart de rémunération entre ses salariés et salariées n’est plus que de 0,6 % – uniquement sur la rémunération principale – ; l’électricien partait, il est vrai, d’un écart relativement réduit de 4,7 % cinq ans auparavant (lire p. 22). Chez Axa, les écarts pouvaient dépasser 10 % en 2006, ils sont inférieurs à 3 % actuellement (lire p. 24). La direction estime qu’en deçà il n’y a pas lieu d’agir. Pour réaliser l’égalité salariale, les deux entreprises ont consacré du temps (cinq ans), des moyens humains (du côté de la DRH et aussi des syndicats) et des moyens financiers (plus de 2 millions d’euros sur la période).

Total a adopté une approche plus agressive : 4,2 millions d’euros budgétés sur la seule année 2010 pour supprimer d’un coup les écarts ; conséquence, la moitié des salariées a été augmentée de 3,7 % en moyenne (lire p. 25). Les résultats de cette politique coup de poing seront évalués à la fin de l’année. Une autre particularité de la démarche de Total est d’avoir sous-traité l’analyse des écarts à un prestataire (Apec) ; un bon moyen pour parvenir à un diagnostic partagé. Plus modeste, le fabricant d’appareils domestiques Seb (950 salariés en France) consacre, chaque année depuis quatre ans, 0,2 % de sa masse salariale à la réduction des écarts de salaires, avec des résultats intéressants, notamment sur les parcours professionnels (lire p. 26).

Chantier plus vaste

Ces entreprises, comme la plupart de celles qui s’occupent de l’égalité salariale, ne se contentent pas de traiter les écarts de rémunération injustifiés, elles agissent également sur les parcours professionnels des femmes, sur la mixité des métiers, sur l’évolution des mentalités ou sur l’équilibre entre temps de travail et temps professionnel. « Supprimer les écarts de salaires est une chose, encore faut-il que ces écarts ne se reproduisent pas, remarque François Fatoux, délégué général de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse). Or, tant qu’il n’y aura pas de mixité dans les métiers, et que le plafond de verre ne sera pas brisé, il n’y aura pas d’égalité professionnelle. » Les principaux accords d’égalité professionnelle et les meilleures pratiques sont recensés sur le site <www.egaliteprofessionnelle.org> créé par l’Orse. Ces bonnes pratiques demeurent cependant en nombre insuffisant pour changer la donne au niveau national et réaliser l’objectif, prévu par la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale, de supprimer les écarts de salaire entre les hommes et les femmes au 31 décembre 2010.

Ecart constant de 19 %

En 2006, les femmes travaillant dans le secteur privé gagnaient en moyenne 27 % de moins que les hommes ; parmi les salariés à temps complet, l’écart était de 19 % ; les écarts inexpliqués (toutes choses égales par ailleurs) étaient d’environ 10 %, selon une étude de la Dares. Deux ans plus tard, en 2008 – derniers chiffres disponibles –, l’Insee relève que l’écart entre les salaires des hommes et des femmes à temps complet demeurait de 19 %. Il fallait s’attendre à cet échec, compte tenu de l’ambition affichée par la loi et de la faible implication des partenaires sociaux sur le sujet, attestée par le petit nombre d’accords d’entreprises (1 500) et de branches (75) recensés par la Direction générale du travail en 2009 sur ce thème.

Prenant acte du fait que l’égalité salariale ne serait pas réalisée, le législateur a supprimé l’échéance de décembre 2010. Les entreprises pourront toujours travailler à l’égalité salariale, mais sans l’aiguillon de la loi. Leur obligation consiste désormais à produire un accord ou un plan unilatéral sur l’égalité professionnelle, sous peine de sanction financière ; les décrets seront publiés fin avril.

Equilibrage des tâches

Pendant que la jurisprudence continue de peaufiner la notion de “à travail égal, salaire égal” (lire l’interview p. 27), les pouvoirs publics adoptent un nouvel angle d’attaque : l’égalité professionnelle passe par la mixité dans les instances dirigeantes et par le rééquilibrage des responsabilités familiales. Depuis une loi adoptée au mois de janvier, les hommes sont en effet priés de faire de la place aux dames dans les conseils d’administration des entreprises cotées (lire Entreprise & Carrières n° 1021). Ils seront également conviés à s’occuper davantage des tâches domestiques, par exemple en prenant leur congé paternité, ce qu’ils ne font pas toujours. « On ne peut pas aller plus loin sur l’égalité professionnelle sans avoir une meilleure répartition des tâches entre les hommes et les femmes », fait-on valoir au ministère de la Cohésion sociale, qui constate que les femmes travaillent, qu’elles sont qualifiées, mais qu’étant en charge des tâches domestiques, elles doivent se mettre en retrait du monde du travail. Cela constitue une cause d’inégalités, mais aussi une absence de retour sur investissement pour l’Etat. « Les entreprises ont un rôle à jouer, par exemple en incitant les hommes à prendre davantage leur congé paternité », explique-t-on au ministère. Ce dernier organisera au mois de juin des tables rondes qui aborderont la question du temps partiel et du partage des responsabilités familiales. Brigitte Grésy, auteure d’un rapport sur l’égalité professionnelle en 2009, remettra à cette occasion un nouveau rapport sur le congé paternité.

L’essentiel

1 Peu d’entreprises travaillent sérieusement à l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes. Certaines, encore plus rares, parviennent à supprimer les écarts salariaux.

2 Pour atteindre cet objectif, elles ont investi de l’argent, du personnel et du temps.

3 Les pouvoirs publics ont abandonné l’objectif d’égalité salariale pour se concentrer sur la mixité dans les conseils d’administration et sur l’implication des hommes dans les tâches domestiques.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK