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Enquête

La mobilité au cœur de la stratégie

Enquête | publié le : 22.02.2011 | E. S.

Depuis 2006, des mobilités intersites permettent au constructeur de gérer les fluctuations de production. L’accord GPEC veut amplifier le mouvement et l’ouvrir au prêt de main-d’œuvre avec d’autres entreprises.

C’est une affaire qui roule depuis déjà cinq ans. Chez Renault, quasiment tous les sites ont géré le détachement temporaire de salariés, qu’il s’agisse de transférer des personnes ou d’en accueillir des sites voisins. En 2010, 750 salariés en moyenne ont changé de site, « avec des pointes à 1 000, 1 200 personnes », précise le DRH France Jean Agulhon.

Sur le site de Flins (78), une centaine de salariés – 80 opérateurs et 20 techniciens – viennent de Sandouville et de Cléon, en Seine-Maritime. Une « deuxième vague » d’une centaine de postes devrait suivre prochainement, annonce Fatima Oubella, DRH de Flins, pour accompagner la hausse des volumes de production de la Clio.

Quatre à cinq semaines de formation

Les salariés détachés ont beau rester dans la même maison, leur intégration suit un processus bien défini, entre la journée d’accueil et la formation, qui peut durer quatre à cinq semaines, poursuit la DRH de Flins. « Les Cléonais viennent d’une usine de mécanique et découvrent chez nous un univers totalement différent, celui de la carrosserie-montage. L’adaptation peut être difficile mais, au final, l’expérience s’avère enrichissante, y compris pour nos salariés. Elle nous permet de faire l’apprentissage de la culture de chacun. »

Le prêt intersites a pu limiter le chômage partiel, souligne-t-elle encore, tout en assurant que le volontariat est la règle. « Nous le suscitons en rencontrant les salariés des autres sites. » Mais pour Fabien Gâche, de la CGT, « on ne peut pas parler de vrai volontariat quand l’alternative est celle-ci. Surtout, la direction fait les choses à l’envers : au lieu d’adapter la production aux effectifs, elle flexibilise les salariés ».

Le mouvement est néanmoins lancé : dans son accord GPEC, signé début février avec quatre syndicats, Renault institue une indemnité spécifique pour « encourager » la dynamique, en sus de la prise en charge des frais de déplacement et d’hébergement. Déclinaisons de l’accord GPEC de la métallurgie, deux autres articles de l’accord Renault définissent les conditions de mise en œuvre des mobilités, cette fois externes, via le prêt de main-d’œuvre et la “période de mobilité”.

Possibilité de retour

Dans les deux cas, il s’agit de donner la possibilité au salarié de changer d’emploi avec l’assurance de retrouver son poste, ou un poste équivalent, en cas de retour chez Renault. La mobilité pouvant, à l’inverse, déboucher sur un transfert définitif par voie de « mutation concertée ». Celle-ci permet au salarié de conserver son ancienneté si les deux entreprises appartiennent à la métallurgie, et de toucher une indemnité de six mois de salaire.

Ces deux dispositifs donnent un droit « à l’erreur et à la curiosité, schématise Jean Agulhon. Avec l’allongement des carrières, l’intérêt pour l’activité professionnelle et l’engagement pour l’entreprise ne peut pas être linéaire. Il peut être utile d’offrir des moments où, de façon sécurisée, les salariés mettent leurs compétences au service d’une expérience différente ».

Employabilité et renouvellement des compétences

Pour le DRH groupe, la mobilité, sous toutes ses formes, est « indispensable au maintien et au développement de l’employabilité ». Pour l’entreprise, elle répond selon lui à deux impératifs : « équilibrer les effectifs entre les sites, de façon structurelle ou conjoncturelle, en lien avec la stratégie industrielle du groupe, et mettre de la fluidité dans les ressources humaines pour avoir une plus grande capacité de renouvellement des compétences ».

Dans chaque établissement, des espaces emploi-compétences seront structurés sur un modèle commun. Ils devront, entre autres, informer les salariés des offres d’emploi disponibles en interne et sur le bassin d’emploi, et accompagner leurs projets de mobilité, de reconversion ou de formation.

Saft : du prêt de salarié au transfert définitif

En 2006, Saft crée sur son site de Nersac (16) une joint-venture avec Johnson Controls, destinée à produire des éléments de batteries pour les véhicules électriques et hybrides. Elle y détache d’abord une vingtaine de salariés, indique Christian Pineau, délégué CFDT de Saft : « L’entreprise n’a pas voulu recruter tout de suite car elle était prudente vis-à-vis de ce nouveau marché. Pour nous, c’était une façon de sauvegarder de l’emploi à un moment où nous étions en sureffectif. » Deux PSE ont toutefois été menés depuis 2006.

Depuis, le mouvement s’est amplifié, pour concerner aujourd’hui 40 personnes, et ces détachements ont eu tendance à se pérenniser. En avril prochain, des transferts de contrats définitifs seront proposés aux salariés prêtés, d’après les syndicats, qui soulignent que ces transitions suscitent beaucoup d’interrogations. « Certains pensaient être détachés six mois, mais sont restés plus d’un an. Le prêt de salariés ne doit pas se transformer en flexibilité à outrance, où l’on déplacerait les gens du jour au lendemain au gré des besoins », estime le cédétiste.

Les syndicats restent vigilants sur les acquis sociaux qui seront transférés avec les salariés, mais craignent une dégradation des conditions de travail dans la nouvelle entité. Quant à ceux qui refuseront le transfert, ils devraient pouvoir retrouver un poste, l’activité étant repartie chez Saft, qui a renoué avec l’intérim.

E. S.

Renault

• Activité : construction automobile.

• Effectif : 36 000 (France).

• Chiffre d’affaires 2010 : 38,971 milliards d’euros.

Auteur

  • E. S.