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Les pratiques

ItalieFiat continue de refonder le contrat social

Les pratiques | publié le : 25.01.2011 | ANNE LE NIR

Après Pomigliano, c’est le tour de l’usine historique de Mirafiori d’accepter par référendum le contrat dérogatoire à la convention du secteur métallurgique, qui durcit les conditions de travail en contrepartie du maintien de l’emploi.

« Les travailleurs n’ont pas seulement choisi de donner une nouvelle chance à Mirafiori. Ils ont choisi d’assumer la responsabilité d’un tournant historique. Dans un pays comme l’Italie, qui a toujours été lié à son passé et réticent aux changements, ce référendum représente le choix de s’opposer à la résignation du déclin, le courage d’effectuer un pas en avant contre l’immobilisme. » Au lendemain du référendum sur l’accord signé entre Fiat et quatre syndicats sur cinq sur un durcissement des conditions de travail à Mirafiori (Turin), usine historique de Fiat, Sergio Marchionne, patron du groupe, souligne dans le quotidien Corriere della Sera, combien ce nouveau contrat social pourrait à brève échéance concerner tout le pays.

A 58 ans, cet Italo-Canadien multidiplômé, unique gestionnaire du géant Fiat (180 000 salariés), qu’il a réussi à redresser de façon spectaculaire depuis son arrivée en 2004, est considéré comme le précurseur de nouveaux rapports industriels en Italie. C’est l’homme qui a osé ébranler le modèle social italien, en place depuis l’après-guerre. Le premier dirigeant à oser négocier des contrats site par site, réduire les droits des travailleurs et refuser d’appliquer la convention nationale de la métallurgie.

Contrat individuel hors convention collective

54 % des ouvriers de Mirafiori ont accepté le marché. Comme à Pomigliano D’Arco, près de Naples, où le référendum a eu lieu en juin dernier, ils seront réembauchés avec un contrat individuel, spécifique au site et donc hors de la convention collective. Ce contrat les oblige à respecter toutes les clauses, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement. Il prévoit l’augmentation des rotations jusqu’à 18 par semaine y compris le samedi soir, l’augmentation des heures supplémentaires obligatoires (de 40 à 120), une restriction du droit de grève, un contrôle drastique de l’absentéisme, une diminution des temps de pause, de 40 minutes à 30 minutes. Tout cela au nom du sauvetage de Fiat en Italie, et en contrepartie d’un maintien de l’emploi et d’une augmentation de salaires, de 3 000 à 3 500 euros par an.

En dépit du bras de fer avec le syndicat CGIL (5,7 millions d’adhérents) qui, n’ayant pas signé l’accord, n’aura plus de représentants dans les usines Fiat, c’est à un sénateur de gauche, expert en droit du travail, le professeur Pietro Ichino, que le patron de Fiat doit ce compliment : « Marchionne doit être remercié pour avoir secoué un système qui ne peut aller de l’avant, avec des relations entreprises-syndicats fossilisées et des liturgies appartenant à un monde qui n’existe plus. »

Mais à quel prix ? « En chamboulant le syndicalisme ouvrier et patronal, avec l’objectif de satisfaire des intérêts particuliers au détriment des intérêts collectifs guidés par des règles du jeu uniformes, il a introduit une stratégie de balkanisation », dénonce Giorgio Airaudo, leader du syndicat Fiom-CGIL des usines Fiat de Turin.

Raffaele Bonanni, secrétaire général de la Cisl (syndicat centriste) observe, au contraire, que « l’idéologie a cédé le pas au bon sens » : « Le coût du travail en Italie est dix fois supérieur à celui d’un pays comme la Serbie. L’unique alternative que nous avions était d’accepter la pleine utilisation des sites, en échange d’une augmentation des salaires. »

Des affirmations auxquelles fait écho Maurizio Ferrera, professeur de sciences politiques à Milan : « Les relations industrielles italiennes vont pouvoir emprunter le sentier du syndicalisme pragmatique et participatif qui caractérise, depuis longtemps, les pays germaniques et scandinaves, avec d’énormes avantages pour les travailleurs. »

Auteur

  • ANNE LE NIR