logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Un accord qui divise

Enquête | publié le : 30.11.2010 | ANNE LE NIR

Progrès vers une meilleure compétitivité ou brèche ouverte dans les droits des salariés ? Avec l’accord signé chez Fiat, c’est tout le modèle économique et social italien qui est en débat.

Initiative sans précédent en Italie, la direction de Fiat a organisé en juin dernier un référendum sur un accord d’entreprise dans son usine de Pomigliano d’Arco, près de Naples. L’accord avait été signé au préalable par trois syndicats de la branche de la métallurgie, mais rejeté par la fédération des métallurgistes de la CGIL (Fiom-CGIL). Sur les 4 642 salariés participants, 63 % se sont déclarés favorables à l’accord. Pas de plébiscite donc, contrairement aux attentes du numéro 1 de Fiat, Sergio Marchionne. Mais les « oui » étaient en nombre suffisant pour que le grand promoteur de « la flexibilité bestiale », selon ses propres termes, décide d’aller de l’avant dans son projet de relocalisation du modèle Panda, actuellement assemblé en Pologne. La relocalisation s’effectuera en échange d’un durcissement des conditions de travail : 18 rotations sur 6 jours au lieu de 10 sur 5 jours, 80 heures supplémentaires obligatoires, réduction du temps de pause de 40 à 30 minutes par tour, droit de grève restreint, contrôle drastique de l’absentéisme.

Pour les syndicats signataires, face à la nécessité de rendre l’usine plus compétitive, il s’agit d’un compromis de bon sens, qui devrait sauvegarder 15 000 emplois, entre ouvriers et sous-traitants, et permettre aux salariés de gagner plus (4 000 euros par an, entre heures supplémentaires et primes de rendement).

Au contraire, pour la Fiom-CGIL, l’accord ouvre un précédent grave en matière de droit du travail, dans la mesure où il démantèle le contrat de travail national des métallurgistes.

Une manifestation organisée par la centrale CGIL, première force syndicale en Italie avec plus de 5 millions d’adhérents, et soutenue par des partis de gauche, a rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes le 16 octobre à Rome. Mais elle n’a produit aucun effet : Sergio Marchionne a annoncé, peu après, que l’accord de Pomigliano d’Arco était « une affaire close » et qu’il devrait servir de modèle pour les 5 autres sites italiens. « A commencer par l’usine de Mirafiori » (Turin). De son côté, le ministre du Travail, Maurizio Sacconi, s’est félicité à plusieurs reprises de cet accord « qui marque un tournant pour le pays », car il exige « une plus grande collaboration entre syndicats et entreprises, indispensable pour accroître le niveau de compétitivité du pays ».

Absence d’innovation

Une nouvelle mobilisation nationale était organisée par la CGIL le 27 novembre, à Rome. « Nous ne pouvons accepter un échange qui consiste en une réduction des droits des travailleurs contre des promesses d’emplois », affirme la secrétaire générale de la CGIL, Susanna Camusso. Elle insiste sur le fait que l’on ne peut pas rendre coupables les travailleurs du bas niveau de compétitivité en Italie. « La vraie question est celle de l’absence d’innovation technologique. »

Jusqu’à présent, la “méthode Marchionne” reste circonscrite au groupe Fiat, premier employeur privé du pays avec 80 000 salariés. Mais la patronne des patrons, Emma Marcegaglia, n’a pas manqué de fustiger l’opposition systématique de la Fiom-CGIL : « Cela ne résout rien, il faut se rendre compte que nous vivons dans un monde différent de celui du passé. » Pour la Confindustria (Medef Italien), le capitaine Marchionne a bien enclenché la “révolution” de la flexibilité en Italie.

Auteur

  • ANNE LE NIR