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Enquête

Mais où est la simplification ?

Enquête | publié le : 02.11.2010 | LAURENT GÉRARD, VALÉRIE GRASSET-MOREL

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Mais où est la simplification ?

Crédit photo LAURENT GÉRARD, VALÉRIE GRASSET-MOREL

Par intérêt et/ou du fait de la construction paritaire, les entreprises n’ont jamais versé autant de fonds formation à leur Opca. Pourtant, la réforme en cours et les ponctions diverses compliquent les circuits de financement et nuisent à la compréhension du dispositif, contrairement à la simplification annoncée.

En septembre 2007, Nicolas Sarkozy déclarait devant l’Association des journalistes de l’information sociale : « Notre système de formation professionnelle est à bout de souffle dans son organisation comme dans son financement. » En septembre 2008, à Toulon, le président souhaitait que « notre dispositif de formation professionnelle soit entièrement repensé ». En novembre 2010, comment se traduisent ces injonctions ? Par une réforme menée à la hâte, complexe et difficile à vendre aux entreprises. Les spécialistes les plus féroces affirment que « la loi est mal écrite et les décrets d’application encore plus ».

Les ambitions du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) sont jugées respectables (former davantage de salariés de bas niveau de qualification et de chômeurs), mais le fonds cristallise toutes les tensions. Le montant de la contribution versée au FPSPP par les entreprises via leur Opca (le fameux 13 % en 2010, peut-être 10 % en 2011) est fluctuant, ce qui ôte de la visibilité dans l’élaboration des politiques de formation. Les appels à projets du FPSPP ne conviennent pas à tous les Opca, et ceux-ci ne peuvent pas faire de propositions en dehors de ces projets. Une ponction de 300 millions d’euros est prévue par le projet de loi de finances 2011 sur les fonds du FPSPP, ce qui entame la confiance des partenaires sociaux envers l’Etat et peut-être bientôt celle des parlementaires, opposés à ce prélèvement. Les organisations d’employeurs du “hors champ” (surtout celles de l’économie sociale) demandent à intégrer les commissions paritaires du fonds pour peser sur ses décisions, ce que Medef, CG­PME, UPA, CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC et FO ne semblent pas pressés de leur accorder.

Sous tutelle de l’Etat

En parallèle, la restructuration en cours des Opca est sans commune mesure avec celle de 1993. « Les Opca passent désormais sous tutelle totale de l’Etat qui, via les contrats d’objectifs et de moyens, fixera la nature et la profondeur de leur intervention, dont l’aide aux entreprises, analyse un directeur d’Opca. Quid en cas de désaccord entre le CA de l’Opca et l’Etat ? Il n’y a pas d’autorité d’arbitrage. On est dans une logique de contrat, mais sans recours. Les critères d’appréciation du rapprochement des Opca ne sont pas publics. Qu’est-ce que la proximité ? Comment seront appréciés les rapprochements ? A défaut de règle, on risque de n’avoir que des opinions, car rien n’est objectivé. »

Frais de gestion

Le récent décret sur les Opca(1) n’a précisé qu’en partie les données du problème. Ainsi, la répartition des frais de gestion en trois groupes a bien été affirmée, mais pas les taux applicables. Un futur arrêté doit les préciser. « La réforme nous demande de rationaliser les frais de gestion tout en supportant les charges de dévolution et de restructuration des Opca, dont celles liées à l’avenir des personnels, constate un directeur d’Opca. Au moins, lors de la loi quinquennale de 1993, l’Agefal (ancêtre du défunt FUP) nous avait soutenu financièrement, et on n’avait pas eu à gérer une nouvelle limitation des frais de gestion. C’est quand même un comble de devoir promouvoir la GPEC dans nos entreprises adhérentes, mais d’être incapables de le faire en interne, parce qu’on est réformés tous les quatre ans ! Par ailleurs, une partie des frais de gestion dépendra du rapport décaissement/collecte. Ce calcul ne prendra pas en compte le versement de l’Opca vers le FPSPP, alors que les décaissements financés sur fonds venant du FPSPP seront comptabilisés. Le système avantagera donc les Opca bénéficiaires du FPSPP qui décaissent, plutôt que ceux qui seront en reversement net au FPSPP, mais non bénéficiaires du fonds car non éligibles à ses appels d’offre du fait du bon niveau de formation initiale de ses salariés. »

Autre problème : la création d’une section unique de gestion réunissant les entreprises de 10 à 50 salariés. Les pratiques de financement de ces entreprises sont aujourd’hui très différentes : versements conventionnels, volontaires ou reliquats non consommés. Peut-on réellement mutualiser au premier euro des versements de 200 euros et de 20 000 euros ? Peut-on considérer à l’identique un versement libératoire minimal et un versement important traduisant une politique de formation forte ? « Conventionnel de branche et mutualisation au premier euro au premier jour sont difficilement compatibles, argumente un directeur d’Opca. Sauf à dire que la logique de branche ne commence qu’à plus de 50 salariés. » On le voit, la réforme a encore besoin de nombreux réglages. Son point faible est qu’elle se fait à moyens constants, alors que l’Etat racle les fonds de tiroirs à la recherche de financements complémentaires pour pourvoir ses politiques d’emploi-formation. Aujourd’hui, elle apparaît principalement comme une pose de tuyaux de dérivation sur les entreprises et leurs Opca dont, justement, la collecte n’a jamais été aussi importante.

(1) <www.legifrance.gouv.fr> , Décret n° 2010-1116 du 22&nbsp;septembre 2010 relatif aux organismes collecteurs paritaires agréés des fonds de la formation professionnelle continue.

L’essentiel

1 La collecte des fonds de la formation par les Opca-FAF est en hausse constante depuis dix ans.

2 La réforme en cours oriente des fonds “entreprises” vers la formation des chômeurs et des primo-entrants sur le marché du travail.

3 Pour que le niveau de formation des salariés en poste soit maintenu, les entreprises devront investir davantage.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD, VALÉRIE GRASSET-MOREL