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Les pratiques

Seules un tiers des grandes entreprises ont agi contre le stress

Les pratiques | Retour sur… | publié le : 12.10.2010 | SARAH DELATTRE

Selon la Direction générale du travail, en un an,430 entreprises de plus de 1 000 salariés se sont engagées dans la prévention des risques psychosociaux, sur les 1 350 concernées par le plan d’urgence lancé par Xavier Darcos. Le contenu des accords reste minimaliste.

Le 9 octobre 2009, Xavier Darcos, alors ministre du Travail, annonçait un plan sur la prévention des risques psychosociaux, accélérant l’application de l’accord national interprofessionnel sur le stress signé fin 2008. Lancé dans l’urgence, en pleine crise des suicides à France Télécom, ce plan sommait les entreprises de plus de 1 000 salariés d’ouvrir des négociations sur le stress avant le 1er février 2010. Un an plus tard, l’agitation politique est retombée. Un ministre en chassant un autre. Un sujet brûlant, les retraites, chassant les risques psychosociaux, restés néanmoins une priorité dans le plan santé au travail 2010-2014.

Des ambitions rognées

La méthode du name and shame (nommer et faire honte) a fait pschitt. Les listes des bons et mauvais élèves, publiées sur Internet pour mettre la pression sur les entreprises, faute de sanctions financières, ont été retirées 24 heures plus tard sous la pression du Medef. Malgré cette reculade, les consciences s’éveillent lentement. « Le processus a été lancé, même si la pression a diminué », commente Philippe Douillet, chargé de mission à l’Anact. « Les mois qui ont précédé la publication des listes ont été une période d’intense réflexion dans les entreprises, enchérit Jean-Claude Delgenes, DG du cabinet Technologia. Aujourd’hui, le dossier est passé au second plan, les ambitions ont été rognées. Les DRH craignent qu’une négociation sur les risques psychosociaux n’entraîne des revendications sur la reconnaissance des salariés, la répartition de la valeur ajoutée. »

La cellule ad hoc chargée de l’impulsion et de la coordination des actions de prévention et de lutte contre le stress au travail à la Direction générale du travail (DGT) recense aujourd’hui 230 accords, les deux tiers étant des accords de méthode, et 200 plans d’action concertés, sur 1 350 entreprises concernées. Globalement, leur contenu reste minimaliste. Exceptée la mise en place d’indicateurs, d’observatoires spécifiques, de formations au management, la majorité des entreprises rechignent à remettre en question l’organisation et les conditions de travail. Une étude Andrh-Inergie, réalisée pour Entreprise & Carrières en mai dernier, révélait ainsi qu’un tiers seulement des DRH avaient mené une réflexion sur l’organisation du travail et sur l’impact humain dans les changements.

« Les formations au management permettent souvent d’aider à repérer les salariés en difficulté, elles n’interrogent pas les pratiques de management », estime Philippe Douillet. « Les accords de méthode prévoient souvent la constitution d’un groupe pluri­disciplinaire, le recours à un expert, un calendrier, observe Hervé Lanouzière, conseiller technique à la sous-direction des conditions de travail. Quant aux accords de fond, ils se situent plus sur le champ de la prévention tertiaire, avec la mise en place de cellules d’écoute ». En comparaison, des entreprises comme Danone, Michelin, GDF-Suez ou EADS vont plus loin. Cette dernière, par exemple, s’engage à « mieux prendre en compte l’aspect humain de ses projets de changement, afin d’identifier leurs facteurs potentiels de stress et d’en atténuer les conséquences ».

Un marché en croissance

Toujours est-il que le plan Darcos a créé un appel d’air et a aiguisé l’appétit de cabinets spécialisés, intervenant sur un marché en croissance exponentielle ; 94 % du capital de Stimulus, dirigé par le psychiatre Patrick Légeron, ont été achetés par un fonds d’investissement, Dzeta Conseil. Depuis toujours orienté vers la prévention primaire qui touche à l’organisation du travail, Technologia développe Métanature, un concept façon “cultivez votre jardin”, pour apaiser les souffrances au travail…

VERS UNE CHARTE QUALITÉ DES PRESTATAIRES

 Pour aider les entreprises à s’y retrouver dans le maquis des offres de prestations sur le stress, la DGT veut élaborer une charte de qualité d’ici au premier semestre 2011, en concertation avec des cabinets spécialisés et les partenaires sociaux. « Notre objectif est de rendre les pratiques plus transparentes, par exemple sur le recours à des questionnaires validés scientifiquement ou sur le profil des consultants. L’idée est d’inciter les cabinets à clarifier leur positionnement sur le champ de la prévention primaire, secondaire ou tertiaire, explique Hervé Lanouzière, conseiller technique à la sous-direction des conditions de travail de la DGT. Pour nous, une bonne prévention des risques psychosociaux doit s’attaquer aux racines du mal, à l’organisationnel. »

 En parallèle, un groupe de travail tripartite (patronat, syndicats, Etat) planche sur le durcissement des conditions d’agrément aux cabinets d’expertise CHSCT applicable en 2012. Pour sa part, l’INRS a publié en avril 2010 un guide* qui insiste sur quelques règles de bon sens.

* Prévention des risques psychosociaux. Et si vous faisiez appel à un consultant ?, avril 2010, INRS.

Auteur

  • SARAH DELATTRE