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Quels emplois pour la croissance verte ?

Enquête | publié le : 12.10.2010 | ÉLODIE SARFATI

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Quels emplois pour la croissance verte ?

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

Les objectifs du Grenelle et les nouvelles normes environnementales pourraient doper l’emploi dans les dix ans à venir. A condition d’accompagner les transitions professionnelles et d’organiser la montée en compétences des salariés.

L’environnement, locomotive de l’emploi ? Malgré la crise et les incertitudes du marché dues aux évolutions réglementaires, le verdissement des emplois est sans conteste une « lame de fond », pour Chantal Sartorio, directrice de projet au pôle innovation de l’Afpa. Les objectifs nationaux et internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec les nouvelles normes environnementales qui en découlent, obligent les entreprises à entrer dans l’ère de l’économie bas carbone.

Si la transition vers l’emploi vert peut se traduire en plans de recrutements massifs, comme, par exemple, au CEA (lire p. 24), elle se pose en termes plus défensifs dans d’autres secteurs. Comme dans l’industrie chimique : « Si les entreprises ne s’engagent pas dans la voie de la chimie verte globale, avec des procédés moins polluants, moins risqués, et l’utilisation accrue de matières premières renouvelables, nous perdrons des emplois au profit d’autres pays, comme l’Allemagne », prévient Gérard Pignault, président du comité de filière “raffinage, carburants, chimie verte” mis en place dans le cadre du plan de mobilisation pour le développement des métiers liés à la croissance verte, lancé fin 2009 par la secrétaire d’Etat en charge des technologies vertes, Valérie Létard.

Organiser les transitions professionnelles

Faute d’investissements et de soutien à l’innovation, les nouvelles contraintes environnementales peuvent en effet entraîner des destructions d’emplois, souligne un rapport élaboré par les cabinets Alpha et Syndex (lire l’interview p. 29). Un risque qui alerte Patrick Pierron, secrétaire national en charge du développement durable à la CFDT, pour qui le développement durable ne créera des emplois qu’à la condition que les transitions professionnelles soient assurées : « Il faut monter en compétences sur les métiers nouveaux et gérer la reconversion des métiers traditionnels. » Il plaide donc pour une « GPEC prospective » dans les entreprises, qui permette aux partenaires sociaux de « débattre plus largement de la façon de relever ces défis. Mais ces mobilités doivent également se faire de façon intersectorielle. Il faudra construire des passerelles au niveau des territoires ».

Dans cette perspective, le secrétariat d’Etat à l’Ecologie a ouvert plusieurs chantiers depuis le début de l’année : l’observatoire des emplois et métiers de l’économie verte a été décliné dans quatre régions. Et dans 22 bassins d’emploi, les maisons de l’emploi et de la formation sont en train de diagnostiquer les besoins liés à la mise en œuvre du Grenelle et les compétences disponibles localement.

Potentiels de reconversion

De fait, « il existe des potentiels de reconversion, assure Jean-Philippe Roudil, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables. L’éolien fait appel à des compétences que l’on retrouve dans la métallurgie, l’industrie navale ou l’aéronautique ».

« Les emplois verts ne concernent pas seulement les ingénieurs ou les techniciens supérieurs, il y a aussi des opportunités pour les personnes moins qualifiées, ajoute Hélène Rambourg, chargée de mission à la direction du développement durable de Pôle emploi. Nous devons être en mesure de repérer leur potentiel de reclassement dans les métiers verts et, en parallèle, de comprendre les besoins des entreprises. »

La formation au cœur des transformations

Les conseillers sont donc sensibilisés à ces métiers et, d’ici à fin 2010, 5 % du budget formation de Pôle emploi sera orienté vers des formations vertes. La croissance verte créera peu de métiers vraiment nouveaux. En revanche, elle implique pour de nombreux professionnels d’acquérir de nouvelles compétences, plus transversales : « D’installateur en électricité, nous devenons en plus conseil en économie d’énergie », schématise Richard Krieger, secrétaire général du Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique. « Certaines fonctions – comme la maintenance ou le contrôle qualité – deviennent plus complexes », ajoute Chantal Sartorio. Electriciens et couvreurs sont pour leur part appelés à intégrer les savoir-faire spécifiques à la pose de panneaux photovoltaïques.

Transmission de savoir-faire

Pour accompagner ces modifications, les entreprises prennent en main la formation de leur personnel, y compris en interne. A l’instar de grands groupes, beaucoup de PME se sont organisées pour transmettre les savoir-faire propres à leur activité. Comme Evasol (lire p. 27), ou GDE, qui recycle des matériaux pour les revendre aux industriels. « Nos commerciaux doivent connaître la composition physico-chimique des matériaux qu’ils achètent et vendent sur les marchés internationaux, ainsi que leurs possibilités de transformation. Cela ne s’apprend dans aucune école », note Bruno Le Sech, secrétaire général. Les nouveaux commerciaux sont tutorés par des seniors pendant plusieurs mois. Aujourd’hui, GDE envisage de recruter des professionnels de la formation pour mieux structurer en interne l’apprentissage de ses recrues.

Dans le BTP, le dispositif Feebat (formation aux économies d’énergies des entreprises et artisans du bâtiment), doté d’un budget de 80 millions d’euros, ambitionne pour sa part de former 120 000 personnes d’ici à fin 2012 à l’amélioration énergétique des bâtiments. « Cet outil va nous permettre d’orienter la formation vers le développement durable, et de nous préparer à la reprise », se félicite Olivier Diard, de la FNScop BTP. Pour accompagner la croissance verte, le bâtiment estime qu’il devra former 360 000 personnes par an, dont 70 000 jeunes, au lieu de 50 000 actuellement.

Déferlement de candidatures

Ce qui pose la question de l’attractivité des métiers. A priori, le développement durable a l’avantage d’être vendeur : « Dès que l’on publie une annonce qui fait référence à l’environnement, c’est un déferlement de candidatures de la part des jeunes diplômés », remarque Florence Beaurepaire, consultante au cabinet Hudson. Ressenti identique de la part de Karine Michel, responsable du secteur gros œuvre et travaux publics au Pôle emploi de Marseille : « Le photovoltaïque participe à la revalorisation des métiers du secteur : de nombreux demandeurs d’emploi sont intéressés par ces nouvelles activités, même si tous n’ont pas les prérequis pour s’y orienter. » Même l’image négative des métiers du déchet commence à changer auprès des jeunes, sensibles aux innovations technologiques du secteur, selon David Ascher.

Pourtant l’attractivité n’empêche pas la pénurie : ainsi, il est difficile de trouver des spécialistes en électricité, confie Florence Beaurepaire. Quant à l’industrie chimique, confrontée à une réelle désaffection, elle a une opération séduction à mener pour prendre le virage de la chimie verte : « Le secteur a pris conscience qu’il devait réduire son impact sur l’environnement et fait des efforts en ce sens, insiste Gérard Pignault. Il doit maintenant être en mesure d’expliquer que travailler dans la chimie, c’est être un acteur du développement durable, et non un agent de pollution ».

l’essentiel

1 Malgré la crise et une réglementation instable sur les énergies renouvelables, la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ouvre des perspectives de création d’emplois.

2 Le verdissement des emplois implique pour les salariés d’acquérir de nouvelles compétences, d’où des efforts de formation importants, notamment de la part des entreprises.

3 Mais le passage à une industrie bas carbone constitue un risque pour certains secteurs, qui doivent donc anticiper les transitions professionnelles.

La création d’emplois verts en débat

D’après les projections les plus optimistes du Boston Consulting Group (BCG), les investissements (440 milliards d’euros) accompagnant la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, s’ils sont réalisés, aboutiraient à créer ou à maintenir 600 000 emplois à l’horizon 2020. Le secteur des énergies renouvelables prévoit plus de 40 000 créations d’emplois d’ici à 2012, et la filière eau, air et déchets en annonce autant d’ici à 2015.

Mais « l’emploi vert n’a pas échappé à la crise », explique David Ascher, fondateur du site emploi-environnement.com. Son job board, qui recense les postes liés à la protection de l’environnement et à la gestion des risques dans tous les secteurs, a vu ses offres d’emploi fondre de 40 % au plus fort de la crise. De plus, le renforcement de la réglementation sur l’implantation des éoliennes ou la baisse du crédit d’impôt pour le photovoltaïque pourraient constituer un « deuxième orage à traverser pour ces secteurs », considère-t-il.

Du côté des professionnels, toutefois, on se veut rassurant. Comme à la Fédération nationale des Scop du BTP, secteur qui a pourtant perdu 30 000 emplois entre juin 2009 et juin 2010 : « Depuis le début de la crise, nous avons donné la priorité aux actions de maintien de l’emploi, avec des conventions Edec, par exemple. Mais les objectifs du Grenelle, qui prévoit entre autres de rénover 400 000 logements privés par an dès 2013, restent porteurs d’emploi à plus long terme », témoigne Olivier Diard, délégué général. S’appuyant sur les chiffres du BCG, le BTP anticipe de 315 000 emplois créés ou maintenus dans les dix prochaines années.

Cependant, les projections du BCG ne prennent pas en compte les destructions d’emplois que peut entraîner le Grenelle. Au mieux, selon Patrick Pierron, secrétaire national de la CFDT, 150 000 emplois seront créés d’ici à 2020.

PSA repeint ses métiers en vert

→ Véhicules plus propres, modes de production plus sobres : pour accompagner ces orientations, le groupe PSA a entrepris de revoir la classification de ses 120 métiers, en fonction de leur verdissement.

→ En vert foncé, les métiers de la conception et de la R & D, amenés à progresser : « Nous avons un objectif de 400 à 500 recrutements d’ingénieurs, cadres et techniciens dans la filière mécanique et organe d’ici à mi-2011, pour concevoir de nouvelles chaînes de traction ou travailler sur l’utilisation des matériaux recyclés », précise Patrice Le Guyader, responsable de la gestion de l’emploi du groupe. Il souligne qu’il s’agit de volumes « deux à trois fois supérieurs à ceux précédant la crise ».

→ En vert classique, « les métiers soumis à des contraintes environnementales plus strictes, comme les personnels d’exécution qui pourraient passer de la fabrication thermique à la fabrication électrique. Pour ces métiers, l’enjeu pourra se poser en termes de reconversion, mais dans des proportions difficiles à anticiper, car cela dépendra de la réponse du marché. Les compétences restent proches, même si de nouvelles certifications seront nécessaires ».

→ Enfin, en vert pâle, les métiers moins directement concernés par les évolutions, comme au montage.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI