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Les pratiques

AllemagneOffensive syndicale contre l’intérim

Les pratiques | publié le : 28.09.2010 | MARION LEO

Dénonçant le recours abusif au travail temporaire, les syndicats allemands lancent une campagne pour endiguer et mieux réglementer cette forme d’emploi en plein essor. Leur solution : obtenir l’égalité salariale entre permanents et intérimaires.

Rhétorique habituelle de rentrée sociale ou menaces réelles ? C’est d’un ton particulièrement ferme que Michael Sommer, président de la Confédération des syndicats allemands (DGB), a annoncé lors d’une interview télévisée début septembre que les syndicats allaient lancer cet automne une série d’actions dans les rues et les usines pour protester d’une part contre les mesures d’austérité prises par le gouvernement, d’autre part contre le recours abusif au travail temporaire.

Depuis plusieurs années, les syndicats bataillent contre cette forme d’emploi qui a connu une véritable explosion depuis la réforme du marché du travail sous l’ancien chancelier Gerhard Schröder. Si l’intérim a pour objectif de permettre aux entreprises de faire face à des pics soudains de la demande ou d’assurer des remplacements, « dans la pratique, c’est bien différent, dénonce un porte-paroledu DGB ; dans certaines usines, près de 30 % des salariés sont des intérimaires ; ils sont flexibles, nettement moins bien payés et la durée de leur contrat n’est pas limitée dans le temps ».

Instrument de dumping

Le DGB estime que, pour réduire leur coût du travail, un nombre croissant d’entreprises font systématiquement appel à l’intérim, qui est devenu un « instrument massif de dumping salarial ».

Le phénomène est particulièrement marqué dans le secteur de la métallurgie et de l’électrotechnique, qui emploie trois fois plus d’intérimaires qu’ailleurs en Europe. Les sociétés d’intérim se sont spécialisées dans la mise à disposition de travailleurs peu qualifiés pour les entreprises du secteur secondaire, car « c’est là que le différentiel salarial entre les intérimaires et les salariés fixes est le plus élevé ».

Pour endiguer et mieux réglementer le développement de l’intérim, les syndicats prônent l’application sans restriction du principe “à travail égal, salaire égal” (Equal pay), imposé par la directive européenne sur le travail intérimaire. La loi allemande actuelle sur l’intérim (AÜG) prescrit déjà ce principe, mais elle souffre des dérogationsen cas d’accords collectifs dans le secteur du travail temporaire : les intérimaires sont alors rémunérés selon ces accords et non selon ceux de l’entreprise cliente. L’exception étant devenue la règle, la quasi-totalité des intérimaires sont soumis aux accords moins généreux conclus entre les principales fédérations de l’intérim et les syndicats appartenant au DGB, qui prône aujourd’hui la suppression de cette exception.

Nouveau projet de loi

Les syndicats ont remporté une première victoire après le scandale Schlecker de 2009. Le gouvernement d’Angela Merkel vient de présenter un projet de loi dit “loi Schlecker” qui empêchera de licencier des salariés et de les réembaucher en intérimaires avec des salaires inférieurs, comme ce fut le cas dans ce réseau de drogueries. Mais, selon le DGB, cette loi « ne protège pas la grande majorité des intérimaires contre le dumping salarial ».

Les syndicats entament une action d’un nouveau type. Lors des négociations salariales qui ont débuté le 6 septembre dans la sidérurgie dans trois Länder, le syndicat IG-Metall a formulé une exigence peu ordinaire : il réclame que le principe de l’égalité de traitement soit intégré aux accords de branche. Certes, l’intérim ne constitue pas un problème majeur dans la sidérurgie, qui ne compte que 3 000 intérimaires sur un total de 85 000 salariés. Mais IG-Metall y dispose d’une arme redoutable : un taux de syndicalisation de 90 %. Le syndicat compte l’utiliser pour obtenir un accord et envoyer ainsi un “signal fort” aux autres branches.

Auteur

  • MARION LEO