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Droit du travail et ramadan : balbutiements du management de la diversité ethnique

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 28.09.2010 |

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Droit du travail et ramadan : balbutiements du management de la diversité ethnique

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La plupart des écoles de commerce affichent désormais au programme de leurs enseignements ou de leur MBA un cours intitulé management ou gestion de la diversité ethnique. Il s’agit d’initier les futurs cadres aux nécessités de la gestion au sein de l’entreprise de la diversité ethnique, culturelle ou religieuse.

L’objectif est naturellement de préparer les décideurs de demain à un environnement de travail plus complexe que jamais. Il s’agit également de s’assurer qu’à l’heure de l’interventionnisme forcené de la Halde et d’une charte de la diversité signée par plus de 2 500 grandes entreprises et PME, aucun acte de discrimination envers les étrangers et les Français d’origine étrangère ne soit commis dans l’entreprise. Il s’agit enfin d’apprendre à valoriser cette diversité pour en faire un instrument de réussite économique et sociale de l’entreprise.

Le fait religieux est l’une des expressions majeures de la diversité ethnique. Et parmi ces faits religieux, la pratique du jeûne, et notamment du ramadan est, avec le port du foulard, l’une des représentations les plus visibles de cette diversité. Avec plus de 5 millions de musulmans en France, elle conduit les entreprises – qu’elles relèvent du privé ou de la sphère publique – et leurs directions des ressources humaines à devoir se positionner très clairement sur le sujet.

Le jeûne du mois de ramadan par les salariés de confession musulmane a un impact organisationnel plus ou moins important selon les entreprises et les secteurs d’activité. Il suscite également un certain nombre de questionnements et crée des incertitudes juridiques et managériales qu’il appartient à l’entreprise d’appréhender.

Ramadan et organisation du temps de travail

Les salariés concernés par le jeûne souhaitent parfois obtenir des aménagements de leur temps de travail, afin de s’adapter au mieux au rythme physique particulier imposé par cette pratique. Un aménagement habituel et relativement indolore consiste à poser des congés pendant le mois de ramadan. La réduction ou la suppression de la pause-déjeuner est toutefois la revendication principale des salariés concernés, réduction ou suppression permettant aux intéressés de réduire leur temps de pause et ainsi de quitter plus tôt leur poste de travail. C’est d’ailleurs l’organisation du temps de travail qui est privilégiée par les législations sociales des pays musulmans sous le terme d’“horaires continus”. En France, une telle souplesse peut être acceptée par les entreprises, à condition que ne soit pas remis en cause le principe d’une pause de 20 minutes toutes les 6 heures de travail.

Mais, le plus souvent, les entreprises refusent ces adaptations pour les raisons objectives suivantes :

– pour contraintes organisationnelles : travail posté, horaires collectifs, etc. ;

– pour éviter de créer une situation de rupture d’égalité en paraissant favoriser une population par rapport à une autre.

Ramadan et incertitudes juridiques.

Les entreprises n’ont naturellement aucune obligation de prendre en compte cet élément de la vie privée des salariés et il ne peut, au plan légal, leur être fait aucun reproche. Toutefois, l’on peut s’interroger sur différents points de friction potentiels :

– l’employeur risque-t-il la reconnaissance d’une faute inexcusable si un salarié manifestement déshydraté, à qui il a refusé un aménagement de ses horaires sans aucune justification d’ordre organisationnel, est victime d’un accident du travail en fin de journée ?

– Un employeur peut-il envisager sans risque de licencier un salarié dont le rendement professionnel serait devenu particulièrement insuffisant pendant le mois de ramadan ?

– L’entreprise peut-elle valablement considérer que, lorsque le repas n’est pas consommé, pour quelque raison que ce soit, aucun avantage en nature n’est compté pour ce jour-là et aucune compensation, panier-repas ou autre, n’est à prévoir pour le salarié concerné ? Les entreprises relevant de la convention collective HCR peuvent-elles prendre prétexte de l’exercice du ramadan pour se soustraire à leur obligation de nourrir gratuitement leur personnel ?

Clairement, la gestion de la diversité par la multiplicité des interrogations qu’elle génère ne laisse pas les juristes et les responsables des ressources humaines sur leur faim !

Mohamed Oulkhouir, avocat associé au sein du cabinet Chassany Watrelot & Associés, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.