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Brittany Ferries révise son accord sur la prévention des tempêtes sociales

Les pratiques | publié le : 21.09.2010 | MARTINE ROSSARD

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Brittany Ferries révise son accord sur la prévention des tempêtes sociales

Crédit photo MARTINE ROSSARD

L’accord sur la prévention des conflits chez Brittany Ferries, soumettant la grève à un vote majoritaire, avait été remarqué comme innovant en 2007. Mais après trois ans, les syndicats signataires demandent sa révision.

Le 30 octobre 2007, la direction et trois des quatre syndicats de Brittany Ferries signent un accord de dialogue­social, vivement contesté par le quatrième. « Je souhaitais mettre en place un avis de tempête sociale, calqué sur l’alarme sociale de la RATP, afin de prévenir les conflits », déclare Raphaël Doutrebente, DRH du groupe (2 500 salariés en équivalent temps plein). Aux termes de l’accord, avant de déclencher un mouvement, tout syndicat doit prévenir la direction, et celle-ci doit convoquer une réunion dans les trois jours. « Le dispositif a été souvent utilisé et nous avons évité de nombreux conflits. Et, dans deux cas, la négociation a permis de stopper le mouvement », se félicite le DRH. Serge Robert, délégué syndical de la CFDT officiers, signataire, confie n’avoir jamais utilisé l’avis de tempête sociale. Mais il considère que le dispositif a « permis de temporiser et d’éviter des arrêts de navires ». La section CFDT des marins et sédentaires, non signataire, tient pour sa part un tout autre discours. Selon elle, la direction n’a pas toujours respecté l’engagement de réu­nion dans les trois jours en cas d’alerte.

Pas de grève sans vote majoritaire

« Le dispositif d’alerte pourrait être intéressant car nous sommes favorables au dialogue social, souligne Jean-Paul Corbel, délégué syndical. Mais il s’agit d’un accord en trompe-l’œil. » Sa principale critique porte sur l’exigence d’un vote majoritaire pour déclencher une grève. Aux yeux de la CFDT marins et sédentaires, cette clause viole le droit de grève. Car, souligne Jean-Paul Corbel, « il s’agit d’un droit individuel garanti par la Constitution et qui ne peut être conditionné à un vote majoritaire ». La fédération patronale Armateurs de France se refuse à commenter tout accord signé par un de ses adhérents. Mais elle rappelle qu’en l’absence de clauses particulières dans la convention collective, « c’est le droit commun qui s’applique ». Il ne peut donc y avoir exigence de majorité.

« J’avais fait valider le texte par deux cabinets d’avocats, se défend Raphaël Doutrebente, et ils ont conclu que l’accord ne limite pas le droit de grève. » Le DRH en veut pour preuve les deux arrêts de travail de février et juin, lesquels se sont traduits par quelques heures de retard à l’appareillage de certains navires.

Michel Le Cavorzin, délégué syndical CGT, justifie sa signature : « Légalement, une minorité peut faire grève, mais, chez nous, par tradition, la grève n’est déclenchée que par une majorité. »

En cas de grève, précise l’accord, tout le personnel du navire est considéré comme gréviste et n’est pas payé, sauf le personnel réquisitionné. La CGT, signataire, entend faire modifier cette disposition que la CFDT, non signataire, juge « anormale ».

Vers une évolution

On se dirige maintenant vers un nouveau texte, dont tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire qu’il peut être amélioré et qu’il a été négocié un peu rapidement. Tout autant que le contenu de l’accord, la CFDT marins et sédentaires dénonce en effet la méthode de négociation. « Cet accord n’a pas été négocié : nous avons fait une quarantaine de propositions qui n’ont pas été écoutées et le texte a été signé un mois après avoir été présenté, affirme Jean-Paul Corbel. L’accord a formalisé des moyens de fonctionnement pour les syndicats, mais en attaquant le droit de grève », ajoute-t-il, en dénonçant « un déni de loyauté ». Le DRH reconnaît que la négociation initiale avait été « relativement rapide », avec une seule réunion après la remise du projet de la direction. Serge Robert, lui, explique que son syndicat « n’a pas voulu pinailler » en 2007, mais qu’il entend désormais « faire corriger les faiblesses » de l’accord.

Raphaël Doutrebente confie que les syndicats signataires lui ont demandé de réviser plusieurs points de l’accord. « Ce qui est intéressant, c’est que les signataires souhaitent faire évoluer l’accord, car, escompte-t-il, le texte sera amendé dans la formulation mais pas dans l’esprit. »

L’essentiel

1 Un accord signé en 2007 impose aux syndicats de prévenir la direction avant de déclencher un mouvement social ;et à celle-ci de convoquer une réunion dans les trois jours.

2 La CFDT marins et sédentaires, non signataire, dénonce le contenu de cet accord tout autant que la méthode de sa négociation.

3 Aujourd’hui, direction comme syndicats s’accordent à direque plusieurs points du texte pourraient être améliorés.

Les principaux points de l’accord

→ Lorsqu’une organisation syndicale identifie un problème susceptible de générer un conflit, elle a recours à une procédure de prévenance dite « avis de tempête sociale » en indiquant le motif. La direction doit alors tenir une réunion dans un délai de trois jours ouvrables.

→ Avant d’appeler à un mouvement de grève, tout syndicat doit en donner les motifs au commandant du navire ou au responsable du site. Un vote doit être organisé par collège.

→ Le vote sera considéré comme positif si le nombre de personnes ayant voté pour la grève est supérieur à 50 %.

→ Lorsqu’un navire fait grève, il est convenu qu’est considérée comme étant en grève et non payée la totalité du personnel présent à bord du navire, à l’exception des personnes réquisitionnées par le commandant pour la sécurité du navire.

Auteur

  • MARTINE ROSSARD