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4 minutes 35 de cohésion interne

Enquête | publié le : 20.07.2010 | EMMANUEL FRANCK

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4 minutes 35 de cohésion interne

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

Spontané, drôle, fédérateur, peu onéreux, le lipdub d’Energie Transfert & Thermique (ETT) est un modèle du genre. Efficacité garantie pour créer de la cohésion interne et gagner en notoriété.

« Think ! Think ! », glapit Aretha Franklin. Trois mesures de piano, et hop, c’est parti pour un play-back disco de 4 minutes 35 dans les locaux d’ETT, concepteur et fabricant de pompes à chaleur pour les professionnels, 175 salariés, Ploudalmézeau, Finistère.

Le plan démarre dans le hall d’accueil de l’entreprise. Une hôtesse portant couronne surgit de derrière son bureau, en articulant les paroles de la chanson. C’est le principe du lipdub (“lip” : lèvre ; “dub” : doublage): les salariés chantent en playback une chanson, de préférence chaloupée et archiconnue. La caméra poursuit sa visite à l’étage, dans les bureaux, avant de passer dans l’atelier pour finir sur le parking, tout cela sans coupure.

Plan-séquence en musique

Deuxième principe : le lipdub est un plan-séquence. Des salariés chantent, dansent, parfois avec une chorégraphie, déboulent de la gauche ou de la droite, certains portant un bonnet de Père Noël, d’autres une perruque afro ou un costume des Blues Brothers. Et ainsi jusqu’au parking où la séquence se termine en plan panoramique de tous les salariés (3e principe du lipdub). Il y a même un making-of pour que les commerciaux qui n’étaient pas dans les locaux le jour du tournage puissent se filmer.

Le respect des trois principes précités ne suffit pas à assurer le succès d’un lipdub, ces petits clips pas chers (celui d’ETT a coûté 6 500 euros) qui font fureur depuis trois ans, dans lesquels les entreprises, les écoles, les universités mettent en scène leurs salariés ou leurs élèves. Même le Medef et l’UMP s’y sont mis, mais pas la CGT ni le PS. Pour espérer, comme ETT, gagner le prix du jury au 2e festival du lipdub en 2009, et être vu 12 500 fois sur Dailymotion, il faut en plus que le clip respire l’humour, la spontanéité et, tout simplement, le plaisir de travailler ensemble.

« Le lipdub dénote l’état d’esprit d’une entreprise, on ne peut pas tricher. Le secret, c’est donc une vraie implication des salariés », explique Robert Roux, président du Forum de l’entreprise, une association de chefs d’entreprise de la Côte d’Azur proche du Centre des jeunes dirigeants (CJD) organisatrice du festival. Lorsque l’ambiance de travail est délétère et la conjoncture morose, mieux vaut donc s’abstenir.

La petite entreprise bretonne n’est dans aucune de ces situations : l’alchimie a pu fonctionner. A l’origine, « nous souhaitions, pour fêter les 30 ans d’ETT, faire quelque chose d’original ensemble, que nous pourrions ensuite présenter, explique Yves Millot, Pdg et actionnaire. C’est là qu’une entreprise locale spécialisée dans l’événementiel nous a proposé un lipdub. Nous ne savions pas ce que c’était, mais nous avons trouvé l’idée intéressante ».

Promouvoir le lipdub auprès des salariés

Le projet et le prestataire une fois retenus par le comité d’animation chargé d’organiser les festivités, il s’agit de convaincre les salariés : « Le risque était que le lipdub soit jugé comme un événement futile, dont l’argent dépensé aurait pu être mieux utilisé. » Le comité d’animation se charge donc de promouvoir le lipdub : « L’idée était de faire adhérer progressivement les salariés. Nous avons expliqué que seuls les volontaires seraient filmés, et que 4 ou 5 d’entre eux seraient vraiment exposés. L’encadrement était également informé qu’on perdrait une journée de production », explique Yves Millot.

Préparation psychologique

ETT a également bénéficié d’un concours de circonstances : « L’équipe de tournage était déjà présente sur le site pour réaliser des films institutionnels sur nos métiers. Elle a eu un bon contact avec les salariés et a démystifié le lipdub. » Enfin, le jour J, « il faut mettre la musique à fond pendant le tournage. Alors, naturellement, les gens dansent. Le secret, c’est la préparation psychologique et la musique ». Elue au comité d’entreprise, Sophie Marc confirme que presque tous les salariés ont participé. Ces derniers ont pu découvrir leur film au cours des festivités pour l’anniversaire de l’entreprise. « On l’a passé cinq fois de suite », se souvient Yves Millot. Les salariés sont repartis avec le DVD.

Outre sa palme et son succès sur Dailymotion – sans commune mesure toutefois avec celui de Beaumanoir (lire encadré) –, le lipdub d’ETT a également été cité dans les médias : BFM TV, France 3 Iroise, Ouest-France et Le Télégramme de Brest. De quoi assurer une notoriété publique à cette entreprise discrète. « Je ne sais pas si le lipdub a poussé davantage de personnes à postuler chez nous car, en temps normal, nous recevons déjà beaucoup de candidatures. En revanche, je pense que cela a contribué à notre image de marque. D’ailleurs, nous utilisons maintenant le lipdub pour présenter ETT à nos clients, cela facilite le contact », déclare Yves Millot. Mais pour lui, le principal intérêt est « d’avoir fait quelque chose ensemble au même moment ».

ETT

• Activité : conception et fabrication de pompes à chaleur pour les professionnels.

• Effectif : 175 salariés.

• Chiffre d’affaires 2009 : 31 millions d’euros.

Beaumanoir, la palme du festival 2009

→ La palme du festival du lipdub 2009 revient au groupe de distribution de prêt-à-porter Beaumanoir (Cache-Cache ; Patrice Bréal ; Bonobo ; Scottage ; Morgan), situé en Bretagne, pour un playback sur une musique du groupe disco Abba. Le clip a été vu plus de 100 000 fois sur Youtube et 67 000 fois sur Dailymotion. Il a coûté un peu plus de 10 000 euros et le tournage a duré quatre heures.

→ Il a suscité des retombées médiatiques à la télévision et dans la presse. « L’objectif premier était de passer un bon moment ensemble. Suite au rachat de la marque Morgan en mars 2009, ce projet nous semblait par ailleurs susceptible de créer une cohésion de groupe », commente Benjamin Amice, directeur groupe de la gestion des ressources humaines et de la communication. Il ajoute que « rares sont désormais les candidats au recrutement qui n’ont pas déjà visité notre siège et rencontré de futurs collègues par ce biais ».

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK