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Forfait-jours : le difficile mais nécessaire suivi de l’activité

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 31.08.2010 |

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Forfait-jours : le difficile mais nécessaire suivi de l’activité

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Création de la loi dite Aubry II du 19 Janvier 2000, le forfait-jours a constitué une véritable innovation juridique en abandonnant la référence à l’heure de travail, au profit de la notion de journées travaillées. Tirant le constat, pour une catégorie de salariés, de l’inadaptation d’un décompte de la journée de travail en heures, le législateur de l’époque a consacré le forfait en jours, modalité d’organisation du temps de travail qui concerne aujourd’hui non seulement une grande partie des cadres, mais aussi une partie des non-cadres qui travaillent désormais dans la limite de 218 jours par an.

Rappelons que ces forfaits-jours ne peuvent être mis en place dans l’entreprise que sous trois conditions : ils doivent être prévus par un accord collectif (entreprise ou branche), faire l’objet d’un avenant au contrat de travail, et concerner « les cadres ayant une autonomie dans la gestion de leur emploi du temps et non intégrés à un horaire collectif », et plus généralement tous les salariés « dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps ».

Très décrié par les organisations syndicales au début de son existence, ce forfait officialisant de fait une journée de travail pouvant aller jusqu’à 13 heures, seules persistant les obligations d’un repos quotidien de 11 heures et hebdomadaire de 35 heures, le législateur a instauré une obligation de suivi de l’activité des salariés concernés par un forfait en jours, devant figurer dans l’accord, qui très souvent se matérialise par la tenue d’un entretien annuel.

Depuis la loi du 20 août 2008 et pour les nouveaux accords, l’article L. 3121-46 du Code du travail impose à l’employeur d’organiser avec tous les salariés en forfait-jours un entretien annuel qui doit porter « sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération ».

Il faut bien reconnaître qu’en pratique, cette obligation, qui constitue pourtant une garantie importante contre l’utilisation excessive du forfait en jours, n’est pas toujours appliquée dans les entreprises.

Aux termes d’un arrêt récent du 13 janvier 2010 (cass.soc. n° 08.43-201), la Cour de cassation a tranché la question des conséquences de l’absence de tenue de l’entretien annuel de suivi. Dans un litige qui l’opposait à son ex-employeur postérieurement à la rupture de son contrat de travail, une salariée a tenté de contester la validité de la convention de forfait en jours dont elle a bénéficié, et réclamé le paiement d’un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires. Pour fonder sa demande, la salariée a invoqué que l’entretien annuel prévu par l’accord n’avait pas été tenu.

Si la Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement de la salariée en jugeant que cette omission ne remettait pas en cause la validité même du forfait-jours, elle a malgré tout octroyé à la demanderesse des dommages et intérêts en considérant que celle-ci avait néanmoins subi un préjudice du fait du non-respect de l’accord collectif par son employeur.

Cette jurisprudence constitue une menace immédiate pour toutes les entreprises qui ne sont pas à jour dans la tenue des entretiens annuels de suivi pour leurs salariés en forfait-jours, ou dans la modalité de suivi prévue par l’accord.

Dans le cadre de ce suivi, Il n’est pas rare, enfin, de constater des difficultés pratiques concernant la délimitation de la journée de travail du forfait-jours, qui est nécessaire pour s’assurer que le repos quotidien de 11 heures entre deux journées de travail est respecté.

Or, sur le terrain, cet exercice n’est pas aisé, notamment pour les salariés nomades, mais aussi pour bon nombre de cadres qui sont amenés à utiliser la messagerie professionnelle à leur domicile. A cet égard, beaucoup d’entreprises ont pris des mesures d’organisation interne limitant l’usage de ces outils de communication au-delà d’une certaine heure et le week-end.

Aymeric Hamon est avocat associé au cabinet Fidal, membres d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.