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Enquête

Le DIF défie les finances

Enquête | publié le : 04.05.2010 |

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Le DIF défie les finances

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75 % des 400 entreprises interrogées par Inergie pour Entreprise & carrières font le constat que plus de 50 % des heures de DIF de leurs salariés sont encore à consommer. 50 % d'entres elles y voient très nettement un risque pour leur avenir, surtout d'ordre financier.

Moins le DIF est consommé, plus il inquiète, et inversement. C'est ce qui ressort globalement du sondage réalisé par Inergie auprès des DRH. Comme le montrent les graphiques ci-contre, 49 % des entreprises estiment que les compteurs DIF de leur salariés contiennent encore plus de 75 % de leur heures, et 27 % entre 51 % et 75 %. Seules 20 % des entreprises constatent que les compteurs DIF de leurs salariés sont vidés à plus de 50 %.

Une perception du risque à relativiser

En conséquence, les niveaux d'inquiétude face au DIF sont très variables selon le nombre d'heures restantes : 53 % des entreprises qui ont des compteurs DIF pleins à plus de 75 % de leurs heures se déclarent inquiètes, mais c'est le cas de seulement 13 % de celles qui affichent un reliquat d'heures de DIF inférieur à 25 % du total d'origine.

Clairement, la nature «financière» du risque est pointée par 74 % des entreprises se déclarant inquiètes. La «gestion des formations» arrive en deuxième position, avec 64 % des réponses. En revanche, l'argument du risque «social» demeure marginal à 20 %. Il faut cependant reconnaître que ce sentiment de risque doit être relativisé, car 47 % des entreprises qui, a priori, se trouvent dans la plus mauvaise des situations (plus de 75 % d'heures) ne se déclarent pourtant pas inquiètes ! Et c'est également le cas de 51 % de celles qui comptent encore des compteurs DIF remplis entre 51 % et 75 % de leurs heures.

Comment expliquer cette sérénité ? Par le fait que beaucoup de ces entreprises sont persuadées que leurs salariés ne demanderont jamais leur DIF, soit par méconnaissance de ce droit, soit par manque d'envie de se former. Est-ce trop optimiste ? L'avenir le dira.

En attendant, la portabilité du DIF (c'est-à-dire le transfert d'heures non consommées vers un autre Opca si le salarié passe dans une autre entreprise, ou à Pôle Emploi s'il devient chômeur), défie déjà les finances des entreprises et de leurs Opca. Les débats sur cette question (lire Entreprise & Carrières n° 998 et 999) entre partenaires sociaux, Etat et instances de financement, sont intenses en ce moment.

La non consommation du DIF en entreprise va-t-elle se traduire par une avalanche de demandes dans les Opca ? Et, si c'est le cas, comment la financer ? Ce sujet pose la question du rôle du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) qui doit recevoir, en juin, 13 % des obligations légales versées par les entreprises à leur Opca.

Qui doit financer la portabilité du DIF ?

Les Opca estiment que le FPSPP doit financer la portabilité du DIF sur ces fameux 13 %. Mais les partenaires sociaux nationaux qui pilotent le FPSPP ont déjà répondu aux partenaires sociaux fédéraux, qui pilotent les Opca, que ce ne sera pas le cas. Sur les 830 millions d'euros de la première convention trisannuelle signée avec l'Etat, seuls 20 sont a priori destinés à financer cette portabilité.

Par ailleurs, d'un point de vue politique, le transfert de charge du DIF des entreprises et de leurs Opca vers les autres Opca et le FPSPP n'est pas souhaité par le Medef. « Le Medef souhaite que le DIF reste un outil de dialogue au sein de l'entreprise, commente Alain Druelles, négociateur et principale cheville ouvrière du Medef sur la formation. C'est le principe de base de 2003, il est toujours valable. Le paradoxe est que beaucoup d'entreprises sont anti-DIF, mais qu'elles en sont très contentes quand il est mis en oeuvre dans leurs murs. Autre paradoxe : les entreprises se plaignent beaucoup dans les sondages, mais pas auprès de leurs fédérations, ni de leur Opca ni du Medef. »

Robert Bosch France : le DIF a permis d'amortir la crise

Robert Bosch Vénissieux a, en 2009, massivement recouru au droit individuel à la formation (DIF) ainsi qu'à la période de professionnalisation. Et ce, afin de limiter l'impact du chômage partiel sur les rémunérations, et d'éviter ainsi des licenciements alors que les commandes avaient chuté de près de 40 % en un an. Le spécialiste des pompes à injection diesel pour PSA, qui vient d'être distingué aux trophées DIF de Demos, a formé 57 % de ses salariés au titre de ce droit.

Quelque 8 800 heures ont été attribuées pour un total de 400 actions, toujours réalisées en dehors du temps de travail, pour des stages en bureautique, langues, Caces (conduite en sécurité), connaissance des accords sociaux, bilans de compétences et préparation à une VAE.

A titre de comparaison, Bosch avait enregistré 17 demandes en 2006 ; 52 en 2007 ; 139 en 2008. En 2009, tous dispositifs confondus (plan, DIF et professionnalisation), ce sont même 87 % des 701 salariés qui ont réalisé une action de formation. Le budget formation a représenté 4,4 % de la masse salariale.

Action de formation en lien avec l'activité de l'entreprise

Le parti pris de Robert Bosch Vénissieux est de considérer comme éligible au DIF toute action de formation ayant un lien avec l'activité de l'entreprise, à partir du moment où le métier auquel elle se rattache existe effectivement dans l'entreprise. Ce principe avait été décliné dès 2005 dans les plaquettes d'information du groupe et dans un catalogue maison qui devait servir à inspirer les salariés dans le choix de leur formation. Ce catalogue indique également les organismes de formation de la branche de la métallurgie reconnus par l'Opca, l'Adefim Rhodanienne, de même que ceux avec lesquels l'entreprise a déjà travaillé.

« Nous avons envisagé le DIF dès la fin 2008 », explique Rosalie Pardon, directrice du développement RH et de la formation à Robert Bosch Vénissieux. « Nous avions déjà beaucoup mobilisé le plan : près de 100 salariés en production ont été formés durant une semaine, en novembre 2008, sur les thèmes du système qualité, du tri des déchets, de la maintenance, ainsi que sur les méthodes de résolution des problèmes. Cette action avait été reconduite quelques semaines plus tard pour un deuxième groupe. »

Le service RH s'est invité dans les réunions d'équipe pour expliquer les enjeux de la formation en même temps que les dispositifs associés. Il a aussi suggéré aux salariés de faire valoir leur DIF, pour pouvoir répondre aux demandes récurrentes par des actions collectives. Car la difficulté était d'appeler à se former... sans dynamiter le budget.

Financements par l'Opca

« Bien sûr, la question du financement nous a inquiétés, reconnaît Rosalie Pardon. Il a fallu rechercher les meilleurs tarifs et nous tourner vers l'Opca pour obtenir des financements complémentaires. Sur les cinq premiers mois, nous avions presque épuisé nos enveloppes DIF et professionnalisation. » Ce complément est venu de l'Opcaim national et a été pris sur des fonds mutualisés de réponse à la crise, de sorte qu'une seule demande de DIF a été refusée.

Des besoins mieux connus

Plusieurs salariés repartent cette année avec un capital de 20 heures. Pour la suite ? « Cette expérience a renforcé nos liens avec certains organismes de formation. Ils connaissent mieux nos besoins et parviennent à monter des stages plus facilement », retient Rosalie Pardon. Mais il n'est pas sûr que l'appétence à se former sera plus forte. Les craintes sur l'emploi ont été ravivées par l'annonce, courant mars, d'un plan de départs volontaires de 153 personnes en 2010.

LAURENT POILLOT